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franciscains, fra Angelo Zvizdovic, avait obtenu du sultan un firman qui accordait aux catholiques la liberté du culte et qui donnait aux franciscains le monopole de l’enseignement catholique en Bosnie et en Herzégovine. Jusqu’à la fin du XVe siècle, l’ordre parvint à soutenir avec beaucoup d’adresse les intérêts du catholicisme, espérant toujours que le royaume de Hongrie finirait par l’emporter sur les Turcs. Les vicaires surent manœuvrer habilement sous un pouvoir qu’ils détestaient. En même temps, les Bosniaques, restés chrétiens, n’acceptaient pas sans protestation le joug ottoman ; des révoltes éclataient souvent. Dans le district de Sajeza, en Dalmatie, en Syrmie, les oligarques tenaient les Turcs en bride et les Bosniaques espéraient toujours que la délivrance leur viendrait de ce côté. Mais, lorsque la force de résistance de la Hongrie s’abattit sous le gouvernement incapable des Jagellons, les franciscains, comprenant que la résistance était inutile, engagèrent les chrétiens à se soumettre et à rester en paix. Aussi le gouvernement turc les affranchit-il, en 1511, du paiement des impôts et les autorisa-t-il à fonder quelques couvens. Une révolution capitale eut lieu en 1517 ; l’administration exclusive de l’église catholique en Bosnie, que le firman de Mahomet II leur avait assurée en 1446, passa définitivement aux franciscains ; le vicariat de Bosnie fut supprimé et la province de l’ordre de Bosna argentina fut créée ; elle était d’abord plus étendue, mais elle se borna successivement au territoire véritable d’Herzégovine et de Bosnie. Quoiqu’en principe la province de Bosnie fût soumise à l’évêque de Diakovar, elle était dirigée par un franciscain comme minister provincialis.

Bientôt après, vers 1527, un nouvel élément religieux s’introduisit en Bosnie ; de nombreuses familles Israélites arrivèrent d’Espagne ; peu à peu cette émigration s’éleva à près de 3,000 âmes. Quant aux chrétiens grecs orientaux qui avaient la majorité sur les catholiques en Herzégovine et on Bosnie, leur situation canonique était cependant inférieure à celle de ces dernières. Ils avaient pour chef nominal le patriarche de Constantinople, mais celui-ci ne pouvait guère agir en leur faveur ; aussi était-ce le patriarche d’Ipek, d’ailleurs non moins impuissant, qui gouvernait les Grecs orientaux. Souvent les gouverneurs turcs faisaient peser sur les chrétiens la plus cruelle tyrannie. Ils se rendaient chaque vendredi dans ces localités principales du pays, y rassemblaient les habitans et leur imposaient en partie par les promesses, en partie par la force, la foi musulmane. On ne pouvait échapper à la persécution que par la fuite. Après la chute de Belgrade, en 1521, commencèrent les grandes émigrations bosniaques ; beaucoup de Bosniaques cherchèrent un asile au-delà de la Save. Au milieu de la plus affreuse misère, les franciscains se soutenaient, consolaient ce peuple,