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C’est ainsi que, lorsqu’il fut question un moment de porter atteinte au privilège qui leur était accordé de ne pas payer d’impôts, une transaction intervint pour terminer le conflit. Il fut convenu que l’ordre des franciscains en Bosnie ne paierait d’impôts qu’autant que la dîme à prélever sur les revenus annuels dépasserait 5,000 florins, ce qui équivalait à une exemption d’impôts pour les propriétés qu’il possédait alors. Leur situation était donc à tous les points de vue favorable. Ainsi comprend-on aisément que ces religieux se soient montrés de tous temps disposés à tourner leurs regards vers l’Autriche, dont les souverains, en raison de la communauté de croyance, leur apparaissaient comme des protecteurs naturels. Au contraire, même quand ils étaient d’accord avec les autorités musulmanes, ce qui n’était pas toujours le cas, à beaucoup près, ils ne pouvaient voir dans le sultan qu’un ennemi de leur foi et un oppresseur étranger. Dans les guerres qui précédèrent l’occupation, les catholiques n’en gardèrent pas moins, pour la plupart, la neutralité. Non-seulement leur situation était meilleure que celle des orthodoxes et les poussait moins à la révolte ; mais ils craignaient surtout une victoire du parti serbe sur la domination turque, attendu que cette victoire pouvait être fort nuisible au catholicisme, visiblement en minorité dans le pays ; car le désaccord entre les Latins et les Serbes n’était pas moindre que la haine des deux partis contre les Turcs.


III

Telle était la situation respective des trois confessions au moment de l’occupation. Lorsque le gouvernement austro-hongrois prit en main l’administration de la Bosnie et de l’Herzégovine, il se trouva dans la nécessité absolue de mettre ordre aux questions religieuses. D’une part, en effet, cette situation, telle que nous venons de la décrire, était insupportable à la nation elle-même et à ses chefs spirituels, et, d’autre part, il était indispensable de modifier l’organisation des cultes de manière à la mettre en harmonie avec l’administration nouvelle qu’on introduisait dans le pays. Toutefois, lorsqu’on voulut aborder cette tâche, on se trouva en présence de difficultés fort graves. Comme nous l’avons dit, le problème des croyances n’avait pas seulement, en Bosnie aussi bien que dans le reste de l’empire ottoman, une portée religieuse ; il avait encore une portée politique considérable. La suprématie sociale dépendait, en quelque sorte, pour chacun, de la solution qui serait donnée à ce problème. Aussi l’occupation fut-elle accueillie par les divers cuites avec des sentimens bien différens. Les