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de contribuer à rétablir, à fortifier cet accord dos deux pays, qui, s’il eût invariablement existé, eût prévenu peut-être ou atténué d’avance quelques-unes des questions dont la gravité ne laisse pas quelquefois d’être inquiétante.

Le chancelier d’Allemagne, vers qui se tournent désormais tous les regards, même les regards de l’Angleterre, dès qu’il y a une difficulté ou une crise en Europe, M. de Bismarck vient de se délivrer de son parlement, du Reichstag, qui a pris son congé ces jours derniers après une session assez laborieuse, plus occupée toutefois de questions économiques que de questions politiques. Vote du budget, révision du tarif douanier par l’application de la protection aux produits agricoles, subventions aux services de paquebots transocéaniques, développemens nouveaux de la législation sur les assurances ouvrières, ce sont là les œuvres les plus caractéristiques de cette session close d’hier, et sur ces points principaux, c’est la politique du chancelier qui triomphe. Avec les assurances ouvrières qu’il étend, qu’il développe, le tout-puissant chancelier de l’empereur Guillaume se flatte toujours de résoudre la question sociale en donnant satisfaction aux besoins, aux aspirations légitimes des classes laborieuses. Avec les subventions aux services transocéaniques, il poursuit pour l’Allemagne son œuvre d’extension coloniale, et après avoir eu raison des résistances de l’Angleterre en Océanie, il ne songerait, dit-on, à rien moins qu’à s’attacher par une sorte d’annexion déguisée ou de protectorat, les colonies du sud de l’Afrique, y compris le Cap, où l’élément hollandais prédomine. Avec les nouveaux droits sur les produits agricoles, il espère arriver, dans un avenir prochain, à un traité d’union douanière avec l’Autriche-Hongrie et avec la Hollande. L’ancien Zollverein a préparé la reconstitution de l’empire allemand ; le chancelier rêve toujours de compléter l’unité nationale par l’incorporation lente de la Hollande et des parties allemandes de l’Autriche, sans brusquer les événemens, en se tenant toujours prêt à profiter des circonstances, même du conflit anglo-russe, qu’il ne considère selon toute apparence et non sans raison que comme ajourné. Il a pu s’entretenir librement et familièrement avec lord Rosebery de toutes les affaires du jour, il n’a sûrement pas dû se lier d’une manière bien sérieuse avec l’Angleterre pas plus qu’avec d’autres. Pour conduire ses vastes affaires, M, de Bismarck a cependant besoin plus ou moins d’une majorité dans le Reichstag, et cette majorité dépend aujourd’hui principalement du centre catholique, dirigé par M. Windhorst, qui peut faire pencher la balance pour ou contre le gouvernement suivant qu’il vote avec les progressifs ou avec les conservateurs. Le nœud de la situation parlementaire est toujours là. Le chancelier a besoin du centre catholique pour le succès de sa politique économique, dont le dernier mot est l’extension de l’empire. M. Windhorst le sait bien, et il accordera le monopole des tabacs