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leurs compagnons d’armes. Ces démêlés, joints à des embarras d’argent sans cesse croissans et aux difficultés à peu près inextricables de la situation politique, ne contribuèrent pas médiocrement à décider le duc de Bar à renoncer tout à fait à la direction des affaires ducales. Le 23 mai 1420, il renouvela solennellement la donation faite à son petit-neveu le 13 août de l’année précédente, et le 24 octobre suivant, après que le mariage de René d’Anjou et d’Isabelle eut été célébré à Nancy, il s’empressa de remettre à Charles II, duc de Lorraine, beau-père de René, la tutelle de son gendre, c’est-à-dire le gouvernement du duché de Bar.

Cette tutelle remplit une période de trois ans et demi ; elle commença vers la fin de 1420, et ce fut seulement le 12 août 1424 que René d’Anjou, émancipé le 4 janvier précédent par sa mère Yolande, prit en main pour son propre compte les rênes du pouvoir. Dès le milieu de 1421, un corps d’armée anglais, appelé par Pierre de Luxembourg, pénétra au cœur même du Barrois et s’avança jusqu’à Gondrecourt, où il remporta un avantage sur les gens du duc de Bar ; deux petites forteresses, situées aux environs de Gondrecourt, furent emportées de vive force par les envahisseurs. Nous apprenons ces détails par une lettre missive anonyme adressée à Henri V et datée du 2 juillet 1421. Gondrecourt est si voisin de Domremy qu’il n’est pas impossible que des éclaireurs ennemis aient fait irruption dans ce dernier village ; si cette irruption eut lieu réellement, l’humble fillette, qui s’appelait Jeannette d’Arc, alors âgée de neuf ans et demi et déjà réfléchie et pensive, en dut recevoir une impression profonde et ne dut jamais l’oublier.

Tant que dura la tutelle de Charles II, qui avait institué Jean, comte de Salm, gouverneur des états de son gendre, le Barrois proprement dit fut peut-être un peu moins en butte qu’auparavant aux ravages des chefs de bande du parti anglo-bourguignon, à cause des bonnes relations que le duc de Lorraine entretenait de vieille date avec la cour de Dijon ; mais quelques-uns de ces chefs de bande éprouvèrent comme une sorte de besoin de se dédommager d’un autre côté en redoublant leurs incursions dans la châtellenie de Vaucouleurs, tandis que d’autres prétendirent avoir des griefs personnels et des revendications à exercer, soit contre le beau-père et tuteur de René d’Anjou, soit contre son prédécesseur le cardinal de Bar. Au nombre de ces derniers, il faut compter le capitaine de Vaucouleurs lui-même, dont le père, Liebault de Baudricourt, venait de mourir et qui avait fait main basse sur le bétail des habitans de Troyon, près de Saint-Mihiel, parce que le cardinal de Bar refusait de lui livrer le fief de Nonsard, cédé à Liebault en 1387 par Robert, duc de Bar ; la transaction qui mit fin à ce différend fut signée à Verdun le 17 juin 1421. Les 5 et 6 décembre de la même année,