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de la presse hindoue. La facilité avec laquelle le gouvernement anglais met à la charge du budget de l’Inde une partie des dépenses de toutes les guerres, sous le prétexte que la sécurité de l’empire y est engagée, donne encore à la presse indigène de fréquentes occasions de faire ressortir l’égoïsme et l’injustice de la domination britannique. Ces critiques sont si bien fondées qu’elles ont trouvé plus d’un écho parmi les hommes d’état anglais. Feu M. Fawcett, — de qui l’on a dit qu’il était le seul Anglais qui eût jamais lu d’un bout à l’autre le budget indien, — s’est fait plusieurs fois, au sein du parlement, le défenseur des Hindous pressurés au profit de l’Angleterre ; et c’est en partie pour se délivrer de ses censures incommodes que le cabinet libéral lui avait confié un portefeuille.

Deux opinions opposées se font jour actuellement en Angleterre sur la façon dont il convient de traiter les populations hindoues. Les uns soutiennent qu’il faut maintenir une ligne de démarcation rigoureuse entre la race dominatrice et les races vaincues et, tout en respectant les lois de l’humanité, conserver au gouvernement le caractère despotique qu’il a toujours eu depuis la conquête. Les autres sont d’avis que les progrès de toute nature accomplis par les populations hindoues ne permettent plus de se reposer uniquement sur l’emploi de la force, et qu’il est nécessaire de s’assurer leurs sympathies si l’on veut pouvoir compter sur leur obéissance et leur fidélité. Ils ajoutent que tenir en tutelle des populations au sein desquelles on s’est efforcé de répandre l’instruction, et faire sentir même aux classes les plus éclairées le poids d’un joug étranger, c’est entretenir un mécontentement sourd qui se traduira tôt ou tard par des soulèvemens… Les autres répondent qu’initier les indigènes à la vie publique, c’est affaiblir le prestige de la race conquérante, qui doit avoir le privilège de l’autorité et du commandement. Faire participer les Hindous à l’administration et à l’exercice du pouvoir, ce serait leur révéler le secret de la faiblesse de l’empire.

La création auprès du vice-roi d’un conseil législatif dans lequel siègent plusieurs des hauts dignitaires indigènes avait semblé un pas décisif dans la voie de l’émancipation ; mais on s’en est tenu là. Les officiers et les fonctionnaires qui ont servi dans l’Inde se montrent tous fort opposés à ce qui peut affaiblir l’autorité de l’administration anglaise ; mais ils rencontrent des adversaires résolus dans le sein du parti libéral, surtout parmi les radicaux, sur lesquels M. Fawcett exerçait une grande influence. Par déférence pour eux, M. Gladstone, lorsqu’il revint au pouvoir, voulut appeler à la vice-royauté de l’Inde un homme imbu des idées émancipatrices, et il