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Mme Simone-Arnaud ; la Duchesse Martin, de M. Meilhac ; Denise, de M. Dumas fils ; enfin trois à-propos : Maître et Valets, le Centenaire de Figaro, Racine à Port-Royal. Voilà décidément tout ce qui a tenu, pendant deux hivers, deux printemps, un été, un automne, entre les murailles de cet édifice sacré. Assurément, il n’est pas resté vide, comme ces fourgons que Bonaparte, tout le long de la campagne d’Italie, appelait le trésor de l’armée. Pourtant le trouve-t-on aussi plein qu’on le supposait, et d’aussi belles choses ? Est-ce bien là cette arche sainte qu’on regardait avec tant de sécurité ? Pendant le siège de Paris, j’ai admiré à la devanture d’un magasin une boîte de filet de bœuf conservé, je l’ai achetée fort cher : une tranche de viande, une seule, occupait bien le dessus ; mais dessous, c’était un hachis suspect. Voilà, si l’on me pardonne cette comparaison, qui rend ma pensée avec outrance, l’image de la Comédie-Française : naïfs contribuables, nous croyons que c’est tout bœuf, et quel bœuf ! Le bœuf Apis lui-même ! Soulevez la première tranche, vous ne trouverez pas la seconde.

Mais la seconde et le reste, c’est peut-être à l’Odéon, second Théâtre-Français, qu’il faut les chercher. Rue de Richelieu, il arrive sans doute que le répertoire soit embarrassé par le succès d’une pièce nouvelle : comment faire que le Député de Bombignac, en 1884, n’atteigne pas cinquante-sept représentations, et la Duchesse Martin cinquante-deux ? Que Denise, dans le commencement de cette année, ne s’élance pas jusqu’à soixante-neuf ? Sur la rive gauche, ces accidens sont rares. Pour Severo Torelli, qui va jusqu’à cent six, pour le Bel Armand qui touche à soixante et une, combien d’essais malheureux comme la Famille d’Arnelles et le Divorce de Sarah Moore ! Ce n’est même pas l’Exil d’Ovide ni le Mari qui, depuis deux ans, auront bouché la voie aux classiques : voyons la destinée de ces grands hommes dans les derniers exercices, — de septembre 1883 à juin 1884, et de septembre 1884 à juin 1885.

Dans la première de ces périodes, combien de tragédies de Corneille ? Pas une. Dans la seconde, le Cid, Horace, Polyeucte osent poindre ils reviennent de loin ; c’est déjà beau qu’ils arrivent trois ; ne demandons pas quand suivra le reste. Est-ce donc que les demi-dieux se réjouissent du nombre trois : Phèdre, Andromaque, Bérénice, voilà toute la part de Racine en 1883-84 ; à quoi il convient d’ajouter, en 1884-85, Andromaque derechef et Athalie.

Les classiques secondaires, où sont-ils ? Voici Voltaire tout seul, avec Mahomet tout sec. Ensuite il faut venir jusqu’au Charles VII de Dumas père, à la Marie Stuart de Lebrun, au Louis XI et aux Enfans d’Edouard de Casimir Delavigne. Antony, Henriette Maréchal et l’Arlésienne, malgré leurs dénoûmens funestes, ne sauraient compter comme tragédies. Pour faire bon poids, admettrons-nous dans le plateau de la balance le Macbeth de M. Jules Lacroix ? Même avec cet appoint, il ne parait pas