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demander l’exécution. Cette correspondance diplomatique a fait l’objet d’un Livre blanc présenté au parlement allemand, le 19 janvier dernier. Ce Livre blanc, composé de 75 pages in-8o imprimées en très petit texte, ne renferme pas moins de 33 dépêches, dont le ton devient de plus en plus aigre et menaçant ; il se termine par la capitulation en règle de lord Granville, qui, passant outre aux objections de son collègue le ministre des colonies, accède à la demande de M. de Bismarck et consent à la nomination d’une commission mixte, composée d’un délégué anglais et d’un délégué allemand.

Les îles Fidji ne sont pas le seul point de la Polynésie où les Allemands aient pris pied, à la grande mortification des Anglais et des Australiens. En 1876, l’empire d’Allemagne a conclu avec le roi des îles Tonga ou des Amis un traité par lequel les Allemands ont été investis de certains privilèges commerciaux et autorisés à établir un dépôt de charbon dans l’île Vavaou, la plus considérable de l’archipel. En 1879, un autre traité, conclu à Apia avec le roi des îles Samoa ou des Navigateurs, a mis le port de Saluefata à la disposition de l’Allemagne pour y créer un dépôt de charbon et des établissemens à l’usage de ses navires de guerre. L’Allemagne s’est empressée d’installer à Apia un consul-général et un conseiller de légation, desquels relèvent les nombreux consuls qui, sur la demande d’une compagnie de Hambourg, la Société commerciale allemande du Pacifique, ont été institués à Tonga, à la Nouvelle-Bretagne, à la Nouvelle-Irlande, à l’île du Duc-d’York, à l’Ile Ellice, aux îles Marshall, aux îles Gilbert, aux îles Salomon et dans l’archipel des Carolines. Veut-on savoir quel est déjà le résultat de cette activité silencieuse qui a échappé à l’attention de l’Europe ? Sur 151 navires qui sont entrés, en 1883, dans le port d’Apia, 92 portaient pavillon allemand, sur 53 navires qui ont abordé aux îles Tonga, 20 seulement étaient allemands ; mais ils représentaient les deux tiers du tonnage total. Le commerce allemand constitue aux îles Tonga les trois quarts et aux îles Samoa plus des deux tiers du commerce total, à l’importation et à l’exportation : le surplus est partagé entre les Américains et les Anglais. L’Allemagne eût certainement pris possession complète des îles Samoa si les Américains n’y avaient établi, en 1872, un dépôt de charbon et n’avaient conclu avec le roi un traité qui place son royaume sous la protection des États-Unis. Par une convention récente, l’Allemagne et l’Angleterre se sont engagées à respecter l’indépendance de cet archipel.

Tandis que l’Angleterre laissait sans en prendre souci la Société commerciale du Pacifique et la maison Godeffroy, de Hambourg, créer des comptoirs dans toutes les îles du Pacifique, le gouvernement allemand conclure des traités avec les souverains de