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restaurations des monumens antiques de la Grèce et de l’Italie, dans lesquelles excellent nos architectes ; elle serait complétée par la restitution de nos monumens historiques dont le Salon de cette année nous offre quelques heureux exemples. L’autre, plus technique, à côté des plans, des coupes, des élévations, des détails, des vues d’ensemble, des relevés, croquis, châssis de tous genres, comprendrait un certain nombre de réalisations totales ou partielles auxquelles nous nous permettons de prédire quelque succès.

Ah ! si les difficultés de la route devaient arrêter les vaillans, comme il serait depuis longtemps interrompu le généreux effort de nos graveurs ! Leur vie non plus n’est pas exempte de soucis ; ils n’ont pas à compter seulement avec l’indifférence injustifiable de la foule ; il leur faut lutter tous les jours pour l’art contre l’envahissement du procédé.

La photographie, la photogravure, la phototypie, l’héliogravure, cent autres modes de reproduction sont conjurés contre eux ; mais, grâce au ciel, le jour n’est pas arrivé où nous verrons détruite et découronnée l’école française de gravure. Les graveurs obstinés continuent leur patient labeur et la chalcographie du Louvre s’enrichit chaque année de quelque chef-d’œuvre. C’est pour elle que M. Gaillard a exécuté, d’après le Saint George de Raphaël, une gravure incomparable. On ne sait ce qu’il faut admirer davantage dans l’ouvrage de M. Gaillard de la piété profonde, du culte religieux qu’il a voués au maître, ou de l’habileté triomphante de l’interprétation. Rien de plus respectueux, de plus exact que la reproduction de l’artiste ; rien de plus libre aussi que sa manière d’interpréter les chefs-d’œuvre. Combien de détails il retrouve dans le tableau ! combien il en souligne d’un trait puissant et sûr que la foule voit à peine et que le temps a déjà couvert de ses ombres ! Le critique veut-il revenir en arrière, analyser à vingt ans de distance tous les motifs qui ont déterminé son admiration pour les maîtres, pour Raphaël, pour Rembrandt, pour Léonard, il n’a qu’à se mettre en présence d’une gravure de M. Gaillard. Il y retrouve comme la fraîcheur de ses impressions premières : c’est que, pour graver Raphaël, M. Gaillard ne s’est pas mis seulement en face du Saint George ; c’est qu’il s’est initié aux mystères sans nombre dont se compose la manière du maître ; c’est qu’il a parcouru les collections de l’Europe ; c’est qu’il a voulu voir tous les Raphaël pour graver un Raphaël ; c’est qu’il s’est fait dessinateur pour qu’aucun des mouvemens de son modèle ne puisse échapper à son burin ; c’est qu’il s’est fait peintre pour saisir dans ses moindres nuances les variétés infinies et délicates du coloris ; c’est qu’il a voulu que sa gravure fût un tableau ; c’est qu’il a entendu résoudre ce problème, insoluble en apparence :