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proposé, en 1835, le bill d’émancipation des esclaves. Celui-ci appréhenda qu’une mesure favorable à la confédération du Sud ne fût considérée comme un démenti donné par lui à son passé ; il ne pouvait d’ailleurs se dissimuler qu’elle provoquerait une irritation très vive au sein des associations philanthropiques et des sectes dissidentes, qui s’étaient prononcées hautement en faveur des Américains du nord ; le ministère whig s’exposait donc à perdre un de ses appuis les plus importans au point de vue électoral. Cette raison parut décisive, et l’intérêt politique fut sacrifié à l’intérêt ministériel. La proposition du gouvernement français fut donc déclinée ; la rébellion du Sud fut écrasée ; l’unité de la confédération américaine fut rétablie et définitivement cimentée. Loin de savoir gré à l’Angleterre de lui avoir épargné un redoutable danger, le gouvernement américain, à peine sorti de la lutte, ne pensa qu’à lui demander compte de l’appui sournois qu’elle avait donné à ses adversaires en permettant d’armer l’Alabama dans un port anglais. Cette fois encore, l’Angleterre n’osa repousser péremptoirement des réclamations dont elle se refusait à reconnaître le bien fondé, et, devant la menace d’une guerre, elle consentit à un arbitrage qui aboutit à lui faire payer une forte amende et enchaîna pour l’avenir sa liberté d’action.

D’autres sujets de querelle ont surgi entre les deux peuples et donneront lieu prochainement à de nouveaux conflits. Le gouvernement anglais a lieu de s’applaudir de la défaite du candidat républicain à la présidence, M. Blaine. Celui-ci, en effet, a cherché à asseoir sa popularité sur la vanité du peuple américain et sur les sentimens de jalousie et de sourde hostilité dont il est toujours animé à l’égard de l’Angleterre. Son passage au secrétariat d’état, c’est-à-dire au ministère des affaires étrangères, sous le général Garfield, a été marqué, à l’égard de l’Angleterre, par une animosité qui se manifestait en toute circonstance ; soit au ministère, soit en dehors du pouvoir, M. Blaine n’a rien négligé pour envenimer la question des pêcheries canadiennes. Cette question est bien simple : le poisson ne se rencontre plus qu’en petite quantité sur les côtes américaines, où il était poursuivi sans relâche ; les pêcheurs du Massachusetts et du Maine ont été obligés de remonter vers le nord ; mais là, ils se sont trouvés dans les eaux anglaises, dans un domaine que les pêcheurs de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick considèrent, à juste titre, comme leur appartenant exclusivement, en vertu des droits de souveraineté territoriale et en vertu de traités internationaux. Pour prévenir le retour de collisions qui se produisaient journellement, l’Angleterre fut obligée de prendre en main les réclamations du