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la discipline, et, cela fait, n’auront plus rien à apprendre. Le mieux sera alors de les rendre à la vie civile, où ils continueront à se former, et plus ils seront laissés à leurs occupations habituelles, plus ils deviendront habiles à celles qui leur incombent en temps de guerre.

Les combattans, au contraire, sont destinés à des fonctions sans analogues dans la vie civile. Pour se servir d’eux, l’armée doit les former. Mais, comme les auxiliaires, ils se partagent en différens métiers, et en métiers de difficultés fort inégales. Le plus simple est celui de l’infanterie. Le fusil est une arme que les tirs et la chasse rendent familière à beaucoup d’hommes dès la jeunesse, la marche est le mouvement le plus habituel à tous dès l’enfance. Ces moyens d’action sont si peu compliqués, qu’il est possible d’en instruire les écoliers eux-mêmes. Ainsi préparé, le conscrit, après six mois, sera affermi dans la connaissance de son arme et de ses théories. Il n’est pas, au contraire, de profession composée de services plus multiples que l’artillerie. L’homme s’y sert de trois armes, le fusil, le sabre, le canon ; à la fois fantassin, conducteur d’attelages, cavalier, il y exerce trois métiers. En consacrant six mois à chacun des arts qu’il doit réunir, il ne possède, après trois ans, que les plus faciles, et des autres que les rudimens. La cavalerie, qui n’a ni canons à servir ni voitures à traîner, semble moins lente à instruire. Seuls, des hommes ignorans de son rôle concluront ainsi. La cavalerie doit tirer de ses montures un tout autre parti que l’artillerie. L’une ne se meut que sur les terrains praticables aux pièces ; l’autre, qu’elle éclaire au loin l’armée, qu’elle charge contre des masses ennemies, qu’elle soit poursuivie par elles, doit passer partout, à toutes les allures, soutenir longtemps les plus vives ; son salut, celui de tous, peuvent dépendre de sa promptitude. Le cavalier digne de ce nom n’est jamais détourné de son rôle ni de son chemin par le souci de sa solidité ; non-seulement il est sûr d’obtenir, sur-le-champ, de son cheval ce qu’il veut, mais il sait ce qu’il peut lui demander ; et, par la manière dont il la ménage, il met à profit toute cette force à laquelle il commande, sans l’épuiser. Les Allemands eux-mêmes n’estiment pas que trois ans suffisent à une pareille préparation, et ils offrent aux cavaliers des avantages particuliers pour les retenir au service une quatrième année. En France, où l’équitation n’est pas un exercice national, comme dans les races germanique et slave, cinq ans suffisent à peine pour faire un cavalier égal à ceux qu’on forme en quatre ans en Allemagne, et ce cavalier restera inférieur à ceux qu’une vie entière de courses vagabondes forme dans les plaines de la Russie.

Quand même, pour former les soldats, il n’y aurait qu’à les instruire, l’inégale difficulté du métier qu’ils apprennent aurait donc