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qu’ils n’ont à apprendre ni la pitié pour les maux des autres ni le dédain de la mort.

Les services auxiliaires n’ont formé longtemps qu’une portion très faible des effectifs. La petitesse des armées, qui permettait de vivre sur le territoire ennemi, la rudesse des mœurs, qui ne se faisait pas scrupule de l’épuiser par le pillage, la vigueur des hommes, qui ne pliait pas sous de lourdes charges, l’imperfection des armes, qui tiraient lentement, tout contribuait à restreindre le bagage, tenu pour un embarras. Aujourd’hui encore, sur 500,000 hommes que la France entretient en temps de paix, les troupes d’administration et du train n’en comptent pas plus de 25,000 ; mais il faut prendre garde que des travaux d’écritures, d’atelier, de domesticité occupent d’une façon permanente un certain nombre d’hommes classés parmi les combattans. Si l’on rend son nom véritable à tout le personnel qui est consacré aux services auxiliaires, ou n’en saurait évaluer le total à moins de 10 pour 100 de l’effectif. Cette proportion, convenable pour le temps de paix, serait de beaucoup insuffisante pour le temps de guerre. Durant la paix, les troupes, dispersées dans les villes, forment partout une faible partie de la population, les ressources locales leur fournissent les vivres ; ainsi se trouve assuré sur place le service le plus considérable. Les autres n’offrent guère plus de difficultés ; avec des garnisons permanentes, des magasins établis non loin d’elles, des besoins réguliers, le temps ne manque ni pour prévoir, ni pour produire, ni pour transporter. La guerre à peine résolue, il faut concentrer les armées ; le gain de quelques jours, de quelques heures dans cette opération donne à l’adversaire le premier prêt une supériorité souvent définitive, et rien n’est plus important dans une campagne que la rapidité de ces premiers mouvemens. Les masses d’hommes ainsi réunies ne peuvent compter pour vivre sur les ressources des pays qu’elles couvrent. Tout ce qui leur est nécessaire doit être préparé d’avance, partir avec elles, non-seulement former sur le théâtre de la lutte des magasins où elles puisent, mais, comme elles sont mobiles, se mobiliser à leur suite en convois ; et le cours ininterrompu de toute cette activité relie le pays qui fournit les ressources au champ de bataille qui les emploie. Or ici règne l’imprévu : les événemens de guerre jettent tout à coup des armées hors de la route qui leur était tracée ; avec les armes actuelles, il ne faut pas une longue bataille pour épuiser les munitions ; et une heure de mêlée abat plus d’hommes que les ambulances n’en reçoivent dans une année de paix. Partout ce sont des multitudes qui réclament à la fois du pain, des cartouches, et des secours. Que la promptitude soit insuffisante dans la concentration des troupes, que les approvisionnemens soient mal distribués dans les magasins, qu’ils manquent dans les convois ;