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craindre est que les gradés soient trop nombreux comme remplaçans. Le remède sera de déterminer dans quelle proportion il convient d’admettre les vieux sous-officiers pour assurer la solidité du cadre, sans arrêter l’avancement des sous-officiers nouveaux. Le nombre total est de 40,000 : en réservant la moitié des emplois aux hommes de la classe et la moitié aux anciens sous-officiers, on établirait la meilleure organisation.

Par cela même que ces sous-officiers demeureront en nombre dans l’armée, il redeviendra facile de choisir parmi eux ceux qui doivent atteindre la dignité d’officier. Ils l’obtiendront, comme autrefois, vers leur dixième année de service, mûris par le temps et non gonflés tout à coup par un faux savoir. Les deux catégories d’officiers, ceux du rang et ceux des écoles, retrouveront chacune la part qui convient et leur coopération assurera de nouveau la valeur du commandement.

Tels sont les résultats qu’amène la présence des vieux soldats. La remplacement, qui les donne, a manqué à la loi de 1872. Faute du remplacement, toutes les institutions ont été compromises. Le rétablissement d’une seule mesure restaurera toute la hiérarchie de l’armée.

Le nombre des vieux soldats admis à remplacer doit néanmoins être limité. En effet, toutes les fois qu’à un conscrit est substitué un vétéran, un homme qui connaît le métier libère un homme qui l’aurait appris et celui-ci, au lieu de s’instruire cinq ans, est instruit six mois. Ainsi, la valeur de ceux qui possèdent l’éducation militaire augmente, mais leur nombre diminue. Cette double conséquence modifie dans un sens contraire la composition de l’armée active et celle des réserves. Si des vétérans prenaient seuls la place des 40,000 conscrits qui, chaque année, voudront éviter le service de cinq ans, l’armée active garderait à la fois 200,000 soldats exercés qui avaient achevé leur service, et 200,000 remplacés qu’elle formerait au service de six mois. L’armée active gagnerait en qualité et en nombre. Mais, d’une part, les 200,000 vétérans qui continueraient à lui appartenir manqueraient de vingt-cinq à trente ans à la réserve, de trente à quarante ans à l’armée territoriale. D’autre part, les 200,000 remplacés entreraient dans la réserve et l’armée territoriale après avoir été instruits six mois au lieu de cinq ans. Les réserves perdraient en qualité et en nombre ; et, composées en très grande majorité de soldats de six mois, elles ne présenteraient plus la proportion de vieux soldats nécessaire pour assurer la solidité d’une troupe.

Pour atténuer ce mal, un article de loi suffit. Les remplaçans de vingt-cinq et de trente ans paient à l’état la dette d’autrui quand ils n’ont pas achevé de payer la leur. Leur présence prolongée dans