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remplacement auront trois ans de service et dans l’autre six mois. Il n’est pas douteux que les premières seront supérieures aux secondes. Mais quand elles devraient se mesurer en cet état les unes contre les autres, il n’y aurait pas à s’effrayer que les troupes de seconde ligne soient inférieures, si l’on a assuré par là la supériorité aux troupes de première ligne. Ce sont celles-ci qui frappent les coups décisifs, ce sont elles qu’il faut rendre, s’il se peut, parfaites. Quand elles auront vaincu, les troupes de remplacement auront peu de chose à faire. Et le service de trois ans est contraire aux besoins de la guerre, parce que, composant l’armée active d’hommes qui ont en moyenne deux ans de service, et les réserves d’hommes qui ont trois ans, il forme avec ses élémens les plus mauvais les troupes de campagne, et avec les meilleurs les troupes de remplacement.

D’ailleurs les rencontres ne se produiront pas entre les soldats de six mois et ceux de trois ans. Les troupes de remplacement sont des dépôts où les hommes attendent et d’où ils sont dirigés, à mesure du besoin, sur les troupes de combat. Les soldats de six mois pénétreront donc, par faibles fractions, dans l’armée formée par les soldats de cinq ans. C’est encadrés dans un solide ensemble qu’ils affronteront les champs de bataille. Ils ne seront jamais assez nombreux pour en diminuer sensiblement la valeur. Dans la guerre de 1870, sur plus d’un million d’hommes présens en France, les Allemands en ont eu 130,000 hors de combat. Les troupes de campagne n’ont pas fait appel à un plus grand nombre pour combler leurs vides. Quand même 130,000 soldats de six mois viendraient prendre dans notre armée de 700.000 hommes la place de 130,000 vieux soldats, elle resterait par sa composition supérieure a l’armée adverse. Il faudrait une bien sanglante lutte pour que l’adjonction de ses réserves amoindrit l’une, et pour que l’adjonction de ses réserves améliorât l’autre. Et tandis que, dans l’armée de cinq ans, les troupes deviennent plus mauvaises à mesure que la guerre dure, parce que les coups à porter sont moindres ; dans l’armée de trois ans, l’armée reçoit les élémens les plus solides après que les grandes rencontres ont tout décidé, et il faudrait que son armée active eût disparu tout entière pour qu’elle eût avec ses réserves ses plus solides soldats.

Tel est, en effet, l’ordre inverse dans lequel l’une et l’autre méthode de recrutement disposent les troupes. La faiblesse de l’une est de former par une éducation identique des troupes destinées à des rôles différens, de mettre par la composition de l’armée active et des réserves les élémens les plus médiocres en première ligne et en seconde les meilleurs. La supériorité de l’autre est de proportionner la valeur des troupes à leur importance, de les ranger de