Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/570

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

périlleuse. Après bien des hésitations, il s’arrêta à un moyen terme, qui consistait, si la chose était possible, à passer l’Aisne sur plusieurs points : une fraction de l’armée passerait à Berry-au-Bac ; les autres fractions sur un pont de bateaux qu’on établirait entre Soissons et Vailly[1]. Les dispositions furent prises en conséquence. D’après l’ordre de marche pour la journée du 3, daté d’Oulchy, 3 mars, six heures du matin, il fut prescrit aux troupes de se diriger partie sur Fismes, partie sur Buzancy, partie dans la direction de Soissons. Le mouvement devait commencer à midi pour les bagages, de trois à quatre heures seulement pour l’infanterie[2]. Ce retardement s’explique par la nécessité où se trouvait Blücher de laisser à ses troupes une demi-journée de repos. En même temps qu’il dictait cet ordre de marche à Gneisenau, son chef d’état-major, le feld-maréchal envoyait un aide-de-camp avec mission de voir où l’on pourrait jeter un pont sur l’Aisne. Blücher en personne devait se rendre de bonne heure à Buzancy, désigner l’endroit précis aux pontonniers, et faire tenir aux colonnes des ordres définitifs pour le passage.

A peine cet ordre de marche, qui trahit assez l’embarras où se trouvait Blücher, était-il communiqué aux chefs de corps, que le feld-maréchal reçut enfin des nouvelles de ses deux lieutenans. Une estafette, venue à franc étrier, lui remit, vers sept heures du matin, cette lettre de Winzingerode, datée du bivouac devant Soissons, 3 mars, cinq heures du matin :


J’apprends que Votre Excellence se retire par Oulchy. Soissons étant occupé par l’ennemi et une tentative de prendre cette place ayant

  1. La veille au soir, 2 mars, Blücher avait déjà envoyé à Bulow (à tout hasard, car il ne savait pas l’endroit précis où celui-ci se trouvait), une lettre où, en même temps qu’il lui ordonnait d’arrêter son mouvement sur Paris et de se joindre à lui, il lui demandait où l’on pouvait jeter un pont sur l’Aisne au-dessus de Buzancy. (Lettre de Blücher à Bulow, citée par Varnhagen, Leben des Generals Bulow, p. 357.)
  2. « Oulchy, 3 mars, six heures du matin.
    « A midi, les bagages des quatre corps d’armée marcheront par Fismes : 1° ceux d’York; 2° ceux de Sacken ; 3° ceus de Langeron (Kapzewitch) ; 4° ceux de Kleist.
    « Les équipages de ponts seront dirigés sur Buzancy.
    « A trois heures, le corps de Kleist marchera sur Buzancy, où le feld-maréchal indiquera où l’on doit jeter les ponts. Ce corps passera le premier, et ensuite le corps de Langeron (Kapzewitch).
    « A quatre heures, les corps de Sacken et d’York marcheront dans la direction de Soissons. Ils recevront ultérieurement des ordres de Buzancy.
    « L’artillerie à cheval et la cavalerie resteront sur l’Ourcq pour couvrir la retraite. Si l’ennemi n’attaque pas, elles quitteront leurs positions le 4 au matin et iront à Buzancy.
    « Les troupes recevront ultérieurement des ordres de Buzancy. »