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sud ; le faubourg Saint-Christophe, à l’ouest. Soissons, qui commandait la grande route de Paris à Mons, était, par cela même, un point stratégique important. La place, bien fortifiée et occupée par une bonne garnison, eût pu faire une longue défense, car, au commencement de ce siècle, les bouches à feu ayant peu de portée, l’on ne pouvait battre les remparts des hauteurs environnantes[1]. Par malheur, les fortifications de Soissons, qui dataient du XVIe siècle, se trouvaient dans un état d’absolue dégradation. Tous les ouvrages extérieurs avaient été détruits, et la ville, qui avait à sa charge l’entretien des remparts, ne s’en inquiétait qu’au point de vue des intérêts de l’octroi; on se contentait de fermer les petites brèches par lesquelles les fraudeurs pouvaient se glisser nuitamment. Les courtines manquaient de banquettes, la contrescarpe, dépourvue de revêtement, s’était, en maint endroit, éboulée dans le fossé, qui se trouvait à demi comblé. Enfin des auberges construites dans la zone militaire, près des portes de ville, s’élevaient à quelques mètres des remparts ; des combles de ces maisons on dominait le terre-plein de l’enceinte[2]..

Ce fut seulement au milieu de janvier 1814 qu’on s’occupa au ministère de la guerre de la place de Soissons. Les généraux Rusca, Danloup-Verdun et Berruyer, et le colonel du génie Prost, envoyés de Paris, firent commencer les travaux les plus urgens. On répara les brèches, on établit des banquettes, on pratiqua des embrasures, le talus de contrescarpe fut relevé, on brûla quelques-unes des maisons bâties dans la zone militaire, et deux cavaliers furent élevés en avant de la porte de Reims[3]. Les généraux, comptant être attaqués par le sud, avaient pourvu au plus pressé, négligeant un peu les travaux du front nord. Or, par la logique de la fatalité, ce fut de ce côté qu’eut lieu l’attaque des Russes, le 14 février 1814. Composée d’environ 4,000 hommes, presque tous conscrits et gardes nationaux mobilisés, dont la moitié seulement avait des fusils de munition, la garnison était suffisante comme nombre, mais non comme solidité. Pour toute artillerie, huit pièces de campagne servies, sous les ordres de quelques sous-officiers, par des charpentiers de la ville qui s’étaient volontairement improvisés canonniers. A midi, Winzingerode, dont les forces s’élevaient à une quinzaine de mille hommes, fit commencer le bombardement. A une heure,

  1. La distance des remparts aux crêtes varie entre 1,600 et 2,500 mètres.
  2. Manuscrits de Brayer (Archives de Soissons); Rapports du général Danloup-Verdun, 22 janvier. (Archives de la guerre.)
  3. Manuscrits de Brayer et de Fiquet (Archives de Soissons); Lettres et Rapports des généraux Berruyer, Rusca, Danloup-Verdun, du 22 janvier au 18 février. (Archives de la guerre.)