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conseil d’enquête, n’osa pas découvrir toute sa pensée, qui était celle-ci : N’y avait-il pas corrélation entre la canonnade entendue la veille et l’insistance des généraux ennemis à proposer une capitulation, insistance tout à fait extraordinaire, puisqu’ils étaient certains de s’emparer de la place sous deux jours? Dans la conjoncture, la reddition immédiate de Soissons ne pouvait-elle pas être de la plus grave conséquence pour la marche des opérations[1]?

Le colonel Kozynski, appuyant énergiquement la motion de Saint-Hillier, dit qu’il fallait tenir jusqu’à la dernière extrémité. Le colonel Strols, qui par la ensuite, déclara, au contraire, que toute défense étant devenue impossible, on devait se hâter d’accepter les conditions inespérées que proposait l’ennemi. Quel fut l’avis formulé par l’adjudant-commandant Bouchard? Les documens sont muets à cet égard. Mais si l’on songe que cet officier s’était compromis trois jours auparavant dans l’indigne capitulation de La Fère, il est permis de penser qu’il ne se prononça pas pour un parti héroïque. En tout cas, la majorité dans le conseil n’était pas acquise à la capitulation, et l’eût-elle même été que la responsabilité de Moreau n’en eût pas été dégagée. Un conseil de défense est purement consultatif. Le règlement est formel sur ce point : « Le gouverneur, le conseil entendu, prononcera seul et sous sa responsabilité, sans avoir à se conformer aux avis de la majorité... Il suivra le conseil le plus ferme et le plus courageux, s’il n’est absolument impraticable.» Loin de « suivre le conseil le plus ferme et le plus courageux, » Moreau s’empressa d’informer les parlementaires ennemis qu’il était prêt à livrer la place sous certaines conditions : la ville n’aurait à payer aucune contribution et serait préservée du pillage ; la garnison se retirerait avec armes et bagages et avec six pièces de canon[2]. — L’état-major allié ne demandait qu’à tout accorder, pourvu que la ville fût évacuée. Winzingerode envoya aussitôt cette lettre au général Moreau :


Mon général, je consens aux propositions que vous m’avez faites, à condition que nos troupes occuperont sur-le-champ la porte de Reims et la porte de Laon. Vous quitterez la ville comme vous le désirez, et deux pièces de canon, leurs amunitions (sic) et les équipages qui peuvent appartenir aux troupes ; mais vous vous mettrez en marche pas plus tard que quatre heures après-midi, et vous vous dirigerez sur le chemin de Compiègne...<ref> Archives de la guerre, à la date du 3 mars.</<ref>.

  1. Rapport du conseil d’enquête. (Archives de la guerre.)
  2. Rapport de Moreau. (Archives de la guerre.)