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sages de Zulficar sur lesquels on dispute sans cesse sans pouvoir même arriver à les définir. L’Angleterre, après avoir renoncé à la politique de la zone neutre, après avoir placé sa ligne de défense sur sa propre frontière, n’acceptera sûrement pas les chances de la plus redoutable des guerres pour quelque territoire indécis. Au fond, c’est par la paix que tout finira encore une fois. La situation ne reste pas moins difficile, compliquée ; elle n’est peut-être pas près de toucher à son terme, et le nouveau ministère se trouve dans cette situation où tout ce qu’il peut espérer de mieux, c’est de dégager la politique extérieure de l’Angleterre compromise par ses prédécesseurs.

À voir les choses de près, ce ministère est étrange. Il n’est pas certainement arrivé au pouvoir dans des conditions faciles de politique extérieure, et il ne peut guère compter sur de brillans succès pour conquérir l’opinion. Sera-t-il plus heureux dans sa politique intérieure ? Il commence, dans tous les cas, il faut en convenir, par de singulières témérités ; il paraît décidé à étonner l’Angleterre par l’imprévu de ses évolutions. Les conservateurs du nouveau ministère font aujourd’hui ce que lord Beaconsfield a fait dans d’autres temps avec son audacieuse dextérité. Ils s’efforcent de dérober leurs armes à leurs adversaires, en se montrant plus libéraux que les libéraux eux-mêmes, particulièrement dans leur système et dans leurs procédés à l’égard de l’Irlande, ils vont jusqu’à une sorte de radicalisme semi-socialiste, dans l’espoir de gagner les voix des Irlandais, d’abord dans le parlement, plus tard aux élections. M. Gladstone, malgré son libéralisme hardi et éprouvé, avait été obligé, en présence des plus effroyables crimes, de recourir à toute la sévérité des lois répressives, et le dernier vice-roi d’Irlande, lord Spencer, a énergiquement demandé jusqu’au bout le maintien de ces lois. Le nouveau ministère inaugure la politique du laissez-faire universel ; il désavoue presque les répressions anciennes et il admet même une révision des procès criminels jugés sous le régime exceptionnel des dernières années. Il livre tout, au risque de se réveiller en face de catastrophes nouvelles. M. Gladstone a fait le « land-act » dans l’intérêt des Irlandais et cette mesure agraire semblait déjà très hardie. Les ministres d’aujourd’hui proposent à la chambre haute une loi pour faciliter l’acquisition des terres au moyen des avances de l’état. Chose bizarre ! ce sont les libéraux qui accusent aujourd’hui les conservateurs de porter atteinte à la propriété par leurs projets et par leurs actes. Le nouveau ministère peut-il du moins se flatter de conquérir ainsi les sympathies et les votes des Irlandais ? Il aura peut-être momentanément l’appui des tacticiens, comme M. Parnell, et encore M. Parnell et ses amis du parlement ont-ils récemment voté contre lui. Les agitateurs, ceux qui mènent les Irlandais, ne se contentent pas de ces concessions ; ils croient à une distribution prochaine et gratuite des