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Sa Majesté s’obligeât de lui payer des subsides: le dit sieur de Villars saura bien précisément les intentions du dit électeur, jusqu’où il prétend porter ses engagemens envers Sa Majesté, ce qu’il en demande réciproquement, se chargera d’en rendre compte à Sa Majesté et d’attendre de nouveaux ordres.

Finalement, comme la maison d’Autriche veut amuser le dit électeur par de vaines espérances d’un partage de la succession d’Espagne dont elle se garderoit bien de lui donner la moindre partie si le cas échéoit. Sa Majesté, au contraire, veut bien, pour lui donner de plus solides marques de son amitié, lui promettre que si le roi d’Espagne venoit à mourir sans enfans et que ledit électeur veuille s’obliger dès à présent, en ce cas, de joindre ses armes à celles de Sa Majesté contre ceux qui voudroient disputer à monseigneur le dauphin la succession qui lui doit appartenir à l’exclusion de tout autre, elle et mon dit seigneur renonceront en faveur dudit Électeur de Bavière aux royaumes de Naples et de Sicile, et Sa Majesté luy donnera tout le secours dont il aura besoin jusqu’à ce qu’il soit en paisible possession des dits royaumes.


Max-Emmanuel reçut avec satisfaction des communications qui l’associaient de si près à la politique du grand roi[1] ; il garda néanmoins une certaine réserve et chercha, par des objections de détail, à engager Louis XIV plus avant : il montra les dangers immédiats auxquels l’exposait une rupture avec l’empereur et l’empire, rupture inévitable s’il briguait la dignité de roi des Romains et réclamait les villes d’Augsbourg, de Nuremberg et de Ratisbonne ; il demanda à connaître la nature et la valeur des mesures militaires que le roi prendrait pour le défendre, et ne dissimula pas qu’il préférerait une combinaison qui lui procurerait les mêmes avantages sans l’exposer aux mêmes périls. Un jour, il dit naïvement à Villars : « Si la maison d’Autriche me mettait dès à présent de certains états dans les mains et qu’on voulût par là m’engager seulement à ne pas traverser personnellement l’élection du roi des Romains, le roi n’aurait-il pas assez de voix parmi les électeurs pour la faire tomber sur moi, sans que je panisse agir? Alors, sans manquer aux paroles que les Autrichiens m’obligeraient sans doute de donner, je pourrais être roi des Romains et me trouverais en même temps en possession de leurs pays. « Il alla même plus loin; et, pour donner plus de valeur à cette insinuation, il laissa entendre que ces territoires, et bien d’autres, lui étaient offerts par l’Autriche ; pressé par Villars, l’électeur refusa de s’expliquer catégoriquement, à cause du « secret qu’il devait à l’empereur comme

  1. Mémoires, p. 408.