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Vienne, 16 juin 1688.

Votre Majesté Impériale n’ignore pas le triste état des affaires à la cour électorale de Bavière : pour lui en donner une idée complète, je dois d’abord lui parler de l’Électeur et avouer que je ne le reconnais plus : quand je me rappelle quelle était sa délicatesse de conscience, sa susceptibilité sur le punctum honoris; aujourd’hui, il traite tout cavalièrement, il n’a pas craint de m’offrir, lorsque je lui reprochais d’avoir manqué à sa parole, de m’attester par écrit qu’il m’avait promis le contraire. J’ai le regret de dire qu’on ne peut plus le croire et encore moins lui rien confier, car un secretum ne serait pas gardé. Il est si volage que, même après avoir pris une bonne résolution, je ne jurerais pas, qu’une fois le dos tourné, il ne changeât pas en deux heures, sous l’influence des mauvaises gens utriusque sexus qui l’entourent jour et nuit. Et il en sera ainsi tant que les gens ne seront pas éloignés, ce qui est plus à souhaiter qu’à espérer. Leidel, qui a peur de perdre sa place, ne voit d’autre remède qu’un message de Votre Majesté. Berckheim est du même avis; celui-ci reprend de la force : il a rempli le conseil de ses créatures et je crois que Leidel pourrait bien être remplacé par Wampel, si l’hostilité entre Leidel et Berkheim continue. Il m’a de novo assuré de sa dévotion envers Votre Majesté et m’a répondu de celle de Wampel. Il n’y a aucune apparence que Schmidt reprenne sa situation, car ce serait montrer trop aperte quel est le but que l’on poursuit. Berckheim approuve que l’Électeur ne fasse pas la campagne et affirme pourtant qu’il n’y a aucun impegno bistato avec la France. Lui et Leidel pensent que l’Électeur, après avoir été entraîné dans une mauvaise voie, pourra de même être ramené dans la bonne : j’aurais plus de confiance dans la sincérité de Leidel, mais son pouvoir est faible. Schmidt a de fréquentes conférences avec l’Électeur : il lui a communiqué le traité de son père avec la France. Villars a reçu la liste des principaux banchieri d’Augsbourg et s’est rendu dans cette ville; comme le crédit personnel dont il dispose n’est pas très élevé et qu’un seul banquier y suffit, il est évident qu’il s’agit du payement des arrérages; si cela est, un engagement avec la France est imminent, car le roi a souvent déclaré que sans alliance il ne paierait pas une obole. On dit dans le public que ces traités éclateront dans deux ou trois mois, ce qui est certain, c’est que, de præsenti, il n’y a rien de conclu.

Les causes principales de la résolution qu’a prise l’Électeur de ne pas aller en Hongrie, autant que j’ai pu les pénétrer, sont : premièrement la comtesse de Paar, et sa négociation accréditée par une lettre d’un des principaux ministres ; secondement Schmidt, qui a offert à