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Villars avait pour mission d’obtenir de Max-Emmanuel que son frère renonçât à l’électorat de Cologne et se contentât d’être le coadjuteur du prince de Fürstenberg. Il devait, en outre, reprendre officiellement les négociations officieuses interrompues par la campagne de Hongrie et conclure avec l’électeur une alliance offensive et défensive dirigée contre la maison d’Autriche et qui stipulerait en faveur de la maison de Bavière les avantages que nous avons énumérés plus haut.

Ainsi, comme premier témoignage de l’intérêt qu’il portait à l’agrandissement de la maison de Bavière, le roi exigeait de Max-Emmanuel l’abandon d’un électorat qu’il considérait comme un apanage de sa famille ; à ce prince allemand, gagné à la cause germanique par la récente fraternité du champ de bataille, enivré de succès acquis à la tête des armées impériales, comblé d’honneurs et de flatteries par la cour de Vienne, certain d’avoir un commandement considérable dans la guerre qui se préparait, il offrait de se séparer avec éclat de ses compagnons d’armes et de se tourner avec lui contre l’empire au moment où, par l’invasion du Palatinat, il menaçait et froissait non-seulement la maison d’Autriche, mais l’empire tout entier et la nation allemande tout entière, La tentative était condamnée d’avance et Villars s’en aperçut aux premiers mots : « L’électeur m’a parlé du siège de Philisbourg. écrit-il le 19 octobre au roi, comme un homme qui arrive de Vienne ; il m’a prié d’abord de considérer qu’il est électeur, » Malgré tous les efforts de l’envoyé de France, malgré la peine qu’il se donna pour convaincre son interlocuteur des intentions pacifiques du roi, pour lui persuader qu’en se déclarant pour la France, il assurerait le maintien de la paix et éviterait à l’empire les horreurs de la guerre, Max-Emmanuel resta incrédule et réservé. Un jour seulement il parut ébranlé ; il avait appris la chute de Philisbourg, le passage du Rhin par Montclar et les incursions de Feuquières en Franconie. Le pays était dégarni de troupes, l’armée bavaroise était encore sur la route de Hongrie ; les populations de la Bavière étaient dans la terreur ; la cavalerie de Feuquières avait poussé des partis jusqu’à Donauwerth, rançonnant les villes, levant pour plus de 2,000,000 de contributions en quinze jours. Max-Emmanuel parut écouter plus attentivement Villars; il chargea Schmidt, Mayr et Wampel de se réunir en secret et de lui faire un rapport sur la situation. Mais Villars ne se faisait pas d’illusion : il engageait le roi à pousser ses avantages, à contenir par la terreur une cour qui paraissait décidée à ne pas se donner : « Rien ne saurait être plus avantageux pour les intérêts de Votre Majesté, écrivait-il, que de faire avancer ses troupes.. ; toute la Bavière est dans une épouvante terrible : ces peuples-ci sont naturellement fort timides : il