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donnant humblement l’assurance qu’aussitôt l’ordre reçu, je m’empresserai de me déclarer à Ratisbonne contre la France, ennemie de l’Empire, et de licencier Monsieur Villars de ma cour...


Kaunitz confirma la lettre de l’électeur le 4 janvier 1689 et pressa Strattmann de conclure l’alliance : « Demain ou après-demain, écrit-il, Villars recevra son compliment. »

Kaunitz était bien informé : le lendemain même de son expédition, Villars était dans son cabinet, occupé à écrire au roi pour l’informer des mouvemens des troupes bavaroises et de l’imminence d’une rupture, lorsqu’on lui annonça Leydel. Le vice-chancelier, après un « mauvais compliment » débité d’un air embarrassé, lui signifia, de la part de l’électeur, d’avoir à quitter Munich sous trois jours. Villars était loin de s’attendre à un pareil dénoûment. Depuis six semaines, il ne se faisait plus d’illusions sur les véritables desseins de l’électeur : il savait que la guerre était décidée, il n’avait d’autre ambition que de gagner du temps pour retarder, au profit des opérations de l’armée française, un départ qu’il savait inévitable : il croyait pourtant encore à l’amitié de l’électeur pour lui, il se croyait protégé contre toute injure personnelle par le souvenir de ses longues et amicales relations. Ce congé, brutalement signifié, le froissait dans son caractère, dans ses illusions, dans sa vanité. Il courut au palais, pénétra violemment jusqu’à l’électeur, espérant au moins lui arracher le désaveu du procédé, obtenir un mot du cœur qui, distinguant entre l’homme privé et l’homme officiel, consolât l’un des déconvenues de l’autre. Max-Emmanuel fut indifférent, froid, cachant son embarras sous un silence dédaigneux : Villars, n’ayant plus rien à ménager, se laissa aller à sa verve railleuse et agressive, et, après d’assez vifs reproches, sortit sans prendre congé. En quittant le palais, il vit l’électeur passer bruyamment devant lui, sur le siège d’une voiture, qu’il menait lui-même, « allant courre les rues avec ses courtisans derrière le carosse. »

Il rentra très dépité et fit ses préparatifs de départ, décidé à ne pas demander d’audience de congé et à refuser les présens de l’électeur. Celui-ci lui évita l’embarras d’avoir à choisir entre sa dignité et son intérêt en ne lui faisant offrir ni audience ni tabatière. Il se borna à lui envoyer ses passeports avec un trompette chargé de l’accompagner jusqu’à la frontière. Villars partit sans retard, ne pensant plus qu’à trouver dans la guerre l’occasion « de faire repentir ceux qui n’avaient pas voulu le croire. » A huit lieues de Munich, il fut rejoint par des officiers français en grand nombre qui étaient au service de la Bavière ou de l’empire