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contre la bise par un épais manteau, abat les glands que ses porcs dévorent avec avidité. Enfin, quand l’hiver est revenu, le cochon gras est tué, salé, dépecé, et décembre, qui clôt la série de ces scènes familières, nous montre, adossés à un bon feu, attablés à un frugal repas, le bourgeois ou le campagnard, dans leur logis bien fermé, savourant le modeste bien-être, fruit de leur prévoyance et de leurs peines.

À la suite de ce calendrier, dont les premiers feuillets sont remplis par la représentation de ces épisodes rustiques, les solennités de l’église, classées dans leur ordre liturgique, fournissent au peintre de miniatures des sujets de composition d’une extrême variété. Pour les saints les plus populaires, la tradition a depuis longtemps fixé les types auxquels, sans se mettre en frais d’imagination, il doit se conformer. C’est saint Christophe, avec sa taille gigantesque, portant sur ses épaules l’Enfant Jésus et s’appuyant, pour traverser un torrent, sur un arbre qu’il vient d’arracher ; bien que la scène, autrefois figurée pendant la nuit, se passe maintenant en plein jour, l’ermite légendaire ne cesse pas pour cela de s’éclairer de sa lanterne allumée ; c’est saint Hubert au milieu d’une forêt luxuriante ; c’est saint Antoine et son compagnon ordinaire dans un désert fermé par des rochers dont les formes bizarres, — par un caprice auquel Mantegna et Léonard lui-même devaient parfois céder, — reproduisent çà et là des profils humains ; c’est saint Jean dans sa solitude de Patmos, avec des entassemens de montagnes et d’accidens de toute sorte accumulés, en dehors de toute vraisemblance, dans une île dont les rives sinueuses sont taillées à arêtes vives, ainsi que pendant longtemps aussi les Italiens les représenteront. Quant à d’autres saints moins en vue, on peut, avec eux, en user plus à son aise et composer d’élémens plus simples les paysages dans lesquels ils sont placés ! C’est ainsi que, pour saint Fiacre, le patron des jardiniers, quelque frère lai de la communauté servira de modèle, et si l’artiste juge à propos de nous le faire voir avec une bêche, un sac de semences à la main, parmi les jardins et les vergers dont la culture lui est confiée, personne ne s’avisera de trouver irrévérencieuse une telle familiarité. Dans des scènes plus compliquées, le paysage occupe nécessairement une place moins importante, mais il contribue utilement à leur donner leur vraie signification. Telle est cette Annonciation aux bergers d’un livre d’heures de la bibliothèque de l’Arsenal (no 639), dans laquelle ceux-ci, tout joyeux de la bonne nouvelle, dansent en rond au-dessous de l’ange, tandis que leurs troupeaux, s’associant à leur joie, bondissent au milieu des prairies voisines. La clarté du ciel, la fraîcheur de la verdure avivée par des cours d’eau, l’étendue de ce vaste horizon largement ouvert,