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aucune réminiscence de la flore ou des aspects des contrées méridionales, ainsi que l’a fait Van Eyck. À la tournure ou au costume de certains personnages, à certains détails de la composition, dans l’Adoration des Mages, de Munich, ou le Jugement dernier de Beaune, par exemple, on peut reconnaître, comme M. A. Wauters l’a remarqué avec raison, combien à son tour il a été frappé par des maîtres tels que Gentile da Fabriano et Benozzo Gozzoli. Mais même dans ces tableaux qui datent des derniers temps de sa vie, les fonds sont demeurés flamands. Ce sont toujours les horizons de son pays natal, les clochers, les beffrois, les maisons aux pignons dentelés des villes de la Flandre, dont il continue à retracer la fidèle image.

Avec un talent d’exécution au moins égal, et un coloris dont l’éclat dépasse encore celui de Van der Weyden, Thierri Bouts, de Harlem, présente des bizarreries pareilles et une même tendance à exagérer la longueur de ses figures. C’est un maître étrange, très personnel, qui tour à tour vous attire et vous rebute par ce mélange d’ingénuité et de maniérisme qui caractérise la plupart de ses œuvres. Le paysage ne tient que peu de place et n’of1er re pas grand intérêt dans les deux compositions capitales du musée de Bruxelles, empruntées toutes deux à une légende de la vie de l’empereur Othon. Il joue un rôle plus important dans un triptyque peint vers la même époque (1467) et qui provient aussi de Louvain, où, dès l’armée 1448, l’artiste s’était fixé et où il devait mourir. C’est la silhouette même de cette ville avec ses clochers et ses tours qu’il a représentée au fond de l’un des fragmens de ce triptyque : la Rencontre d’Abraham et de Melchisédeçh, qui se trouve aujourd’hui à la Pinacothèque de Munich (n" 110 du catalogue). Sur le panneau voisin (no 111), les Israélites recueillant la manne sont travestis en bons bourgeois flamands, coiffés de hauts bonnets et emmitouflés dans leurs houppelandes. Par une attention gracieuse pour ses compatriotes, mais qui semble peu en rapport avec les convenances du sujet. Bouts les a placés au milieu d’une campagne verdoyante et plantureuse qui donne plutôt l’idée de la terre promise que celle du désert. Dans un autre fragment, le Prophète Elie du musée de Berlin (no 533), le désert est représenté d’une manière moins choquante par des rochers accumulés sur lesquels, à divers étages,