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le salaire moyen atteint presque 3 francs, le salaire minimum descend assez rarement au-dessous de 2 francs, sauf cependant dans deux ou trois professions auxquelles s’adonnent malheureusement un trop grand nombre de femmes, entre autres celle de lingère et de couturière, où le salaire s’abaisse jusqu’à 1 fr. 50 : Avec de pareils chiffres il ne saurait guère, à moins d’une vertu surhumaine, être question d’épargne, mais de cette vertu surhumaine les femmes ne sont pas incapables. La statistique générale des caisses d’épargne ne donne malheureusement pas le nombre des livrets appartenant à des femmes, mais la statistique des caisses d’épargne postale indique que sur 207,710 déposans, il y a eu 80,568 femmes. C’est là une proportion qui, vu l’exiguïté de leurs salaires, est certainement à leur honneur.

Voilà pour les salaires de la petite industrie. On voit que, dans un grand nombre de professions, la quotité de l’épargne doit être assez limitée. Pour la grande industrie, la statistique donne la moyenne des salaires dans trente professions. La moyenne générale est ici de 5 fr. 40 pour les contremaîtres ; de 4 fr. 14 pour les surveillans ; de 3 fr. 54 pour les ouvriers proprement dits ; de 2 fr. 85 pour les hommes de peine. Pour les femmes, la moyenne est de 1 fr. 76. Dans l’industrie des mines, la moyenne des salaires est à peu près la même. Elle est, je crois, plus élevée dans la métallurgie. Mais, d’une façon générale, les écarts entre les salaires des différentes catégories d’ouvriers sont moins sensibles dans la grande industrie que dans la petite, et, par conséquent, les moyennes approchent de plus près la réalité. On en peut conclure que l’épargne est facile pour les contremaîtres et surveillans, difficile pour les ouvriers ordinaires, presque impossible pour les femmes. C’est ce qui explique que, dans les départemens de France où la grande industrie compte le plus grand’nombre d’ouvriers, la moyenne de la somme due par livret soit inférieure à la moyenne générale de la France, qui est de 335 francs. Cette moyenne est de 307 francs dans la Seine-Inférieure, de 298 dans le Nord, de 295 en Saône-et-Loire, de 267 dans le Rhône, de 238 francs dans le Pas-de-Calais. Dans le département de Meurthe-et-Moselle, où l’industrie dominante est la métallurgie, la moyenne se relève un peu ; elle est de 376 francs, soit de 41 francs au-dessus de la moyenne générale.

Ces appréciations tirées des moyennes peuvent, je suis le premier à le reconnaître, paraître un peu vagues et superficielles. Il est un autre procédé peut-être plus sûr auquel on peut avoir recours pour mesurer le pouvoir de l’épargne, c’est d’étudier un grand nombre de situations individuelles, par exemple, de faire la balance des recettes et des dépenses d’un certain nombre de ménages. C’est la méthode des monographies élargie. Ce travail a été fait pour