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à droite et à gauche, à Versailles. » On attribuait aussi au même personnage l’ostentation et la gloire des bonnes actions, que La Bruyère censure dans l’article suivant : «Aristarque se transporte dans la place avec un hérault et une trompette. Celui-ci commence : Écoutez, peuple ; Aristarque, que vous voyez ici présent, va faire demain une bonne action. » Même allusion dans le passage suivant : «Les meilleures actions s’altèrent et s’affaiblissent par la manière dont on les fait, et laissent même douter des intentions. » On rapportait, en effet, que le président de Harlay, ayant reçu un legs de 25,000 livres du président de La Barroir, se transporta à Fontainebleau, où était la cour, et là, devant notaire, il déclara donner cette somme aux pauvres. Mme de Sévigné rapporte aussi de lui plusieurs belles actions publiques; mais elle les admire, semble les prendre au sérieux et n’y met aucune allusion ironique. « Franchement, ma fille, voilà ce que j’envie, voilà ce qui me touche jusqu’au cœur, devoir des âmes de cette trempe. » Mais Mme de Sévigné était une bonne âme ; elle croyait facilement au bien. Saint-Simon, au contraire, pousse tout au noir, et il nous fait de Harlay un portrait hideux: «Une austérité pharisaïque le rendait redoutable... D’ailleurs sans honneur effectif,.. sans mœurs dans le secret, sans probité qu’extérieure, sans humanité même; en un mot, un hypocrite parfait. »

Ce sont là les seules figures de magistrats qu’on puisse retrouver avec quelque vraisemblance dans les peintures de La Bruyère; Les portraits relatifs au clergé ne sont guère plus nombreux. Voici, par exemple, le prêtre libertin, dont l’original est encore un Harlay : « Il en coûte moins à certains hommes de s’enrichir de mille vertus que de se corriger d’un seul défaut... Ce vice est souvent celui qui convient le moins à leur état... On ne leur demande point qu’ils soient plus éclairés, plus amis de l’ordre et de la discipline, plus fidèles à leurs devoirs... On veut seulement qu’ils ne soient point amoureux. » Il est évident que ce passage ne peut s’appliquer qu’à un membre du clergé ; et, tout en le critiquant sur un point délicat, La Bruyère le relève sur le reste, en reconnaissant qu’excepté ce point, l’objet de sa critique a pu s’enrichir de mille vertus, et qu’on n’a. pas à lui demander d’être plus fidèle à ses devoirs. Enfin, il semble bien qu’il s’agit de quelqu’un de public et dont le travers est très connu. Or, voici ce que rapporte de Harlay, archevêque de Paris, le chansonnier Maurepas : « Mlle de Varennes, est-il dit, manière de courtisane dont l’archevêque de Paris était amoureux au vu et au su de tout le monde. Il allait publiquement souper chez elle, et elle venait souper à l’archevêché. Ils ne se quittaient que fort tard. Il lui donnait un argent considérable. » Bussy parle de cette intrigue dans une lettre du 15 janvier 1680, et