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ont grandement raison, de la solvabilité de l’emprunteur, de l’état de ses affaires ; souvent même elles lui demandent de fournir une caution ; s’il est au contraire talonné de près par la misère, elles ne feront rien pour lui. Aussi l’ouvrier proprement dit ne se présente-t-il que très rarement à leurs guichets ; s’il y frappe avec succès, c’est en général qu’il est à la veille de s’élever un peu au-dessus de la condition de salarié pur et simple. Ainsi, en Allemagne, sur 398,478 membres de ces banques populaires, ou ne comptait d’après une statistique récente, que 19,302 ouvriers véritables. En un mot, ce sont, comme le leur reprochait Ferdinand Lasalle, des institutions bourgeoises, ce qui n’est pas un crime en soi-même, mais ce qui me dispense d’en parler quant à présent.

Il en est tout autrement de la mutualité de la prévoyance. Tout homme vivant exclusivement du travail de ses bras est exposé au risque de la maladie et de l’accident, il peut redouter une mort prématurée, enfin il a devant lui la perspective des infirmités et de la vieillesse. Contre ces différens risques (la vieillesse elle-même est un risque puisque tous n’y arrivent point), il peut chercher à se prémunir en prélevant tous les ans une certaine somme qui sera mise et gérée en commun avec les prélèvemens de ceux qui sont exposés aux mêmes risques que lui, et comme tout le monde n’est pas victime d’une maladie ou d’un accident, comme tout le monde ne meurt pas avant l’âge, ou au contraire n’arrive pas à la vieillesse, il aura, le cas échéant, le bénéfice non pas seulement de sa prévoyance, mais encore de la prévoyance d’autrui. C’est le principe de l’assurance, qui tend de plus en plus à entrer dans nos mœurs, mais qui n’a certainement pas encore pris tous les développemens dont il est susceptible. Bornons-nous à rechercher les applications que ce principe peut recevoir dans la vie populaire.

De toutes les formes d’assurance la plus répandue dans le peuple, c’est l’assurance contre la maladie. Les sociétés de secours mutuels ne sont pas autre chose, en effet, que des sociétés d’assurances contre le risque de maladie. Sous un nom ou sous un autre, ces sociétés ont existé de tout temps. M. Emile Laurent, dans son livre sur le Paupérisme et les Associations de prévoyance, en trouve la trace dans les anciennes ghildes germaniques, et c’était assurément une des meilleures coutumes des anciennes corporations que les secours distribués par elles entre leurs membres malades ou indigens. C’est donc une prétention moderne passablement outrecuidante que celle d’avoir inventé la mutualité. Ce qu’on peut soutenir, c’est, que de notre temps, elle s’est étendue, précisée, et qu’elle est devenue susceptible d’une application presque scientifique. Je ne m’attarderai pas à exposer la législation qui régit aujourd’hui les sociétés de secours mutuels, et qui les divise