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REVUE DRAMATIQUE

REGNARD EN 1884-1885.

Odéon : les Ménechmes, les Folies amoureuses. — Comédie-Française : le Légataire universel, les Folies amoureuses.

Quand j’étais petit, on m’avait dit que Regnard est le second poète comique de la France ; j’ai failli croire, cet hiver, qu’il passait au rang du premier. Depuis quelques années, des critiques, amis particuliers de ce grand homme, inquiétaient et molestaient l’administrateur de la Comédie-Française pour sa négligence envers lui plus que pour toute autre faute contre les classiques. « M. Perrin n’aimait pas Regnard ; » c’était un de ses principaux crimes ; par sa faute, Regnard, pour les jeunes générations, n’était que second poète comique honoraire. Qu’il fût le plus vénérable après Molière, nous le savions sans doute, mais ne l’éprouvions pas ; cet immortel n’était plus qu’un illustre mort, oui, vraiment mort, enterré, perdu. Soudain, un cri d’allégresse traverse Paris : « Regnard est retrouvé ! » Peu s’en faut que M. Weiss, en ce commencement de janvier, n’aborde M. Sarcey à la mode russe pour lui annoncer la bonne nouvelle, et ne le baise sur la bouche en disant : « Regnard est ressuscité ! » Non-seulement cette élite de dévots se réjouit, mais tout le peuple et même la partie la plus frivole ; désormais il ne suffira plus, pour honorer ce vieux saint, qu’on célèbre exactement, tels qu’il les a institués, les exercices de son culte ; il faut qu’on établisse une fête spéciale, commémorative de l’Invention de Jean-François Regnard.

Qu’est-il donc arrivé ? Il est arrivé que M. Perrin a voulu se mettre en règle et que la Comédie-Française a repris le Légataire universel avec M. Coquelin aîné dans le rôle de Crispin. Jamais ce prestigieux talent ne trouva de personnage qui lui fût plus convenable ; il le comprend,