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REVUE. — CHRONIQUE.

conservateur, dès son avènement, a fait ce qu’il a pu pour renouer avec Berlin des rapports d’intimité qui n’étaient pas précisément faciles sous M. Gladstone, et il a dû trouver à qui parler. Jusqu’à quel point le chancelier de l’empire d’Allemagne pourra-t-il aider utilement le cabinet anglais dans ses négociations avec la Russie au sujet de l’éternelle difficulté des frontières de l’Afghanistan, on ne le sait pas encore ; on ne voit pas bien même dans quelle mesure et sous quelle forme pourrait se manifester son intervention. M. de Bismarck peut du moins, s’il le veut, prêter un appui plus actif, plus direct à l’Angleterre dans les affaires d’Égypte, qui sont toujours un des points difficiles, et déjà on sent plus d’assurance dans le langage de quelques-uns des ministres anglais, du chancelier de l’échiquier, sir Michaël HicksBeach, qui disait récemment en propres termes que la seule manière de réussir était « de bien faire savoir au monde qu’on avait l’intention de rester en Égypte pour la réformer. » Ceci commence à devenir significatif ; mais, pour l’Égypte comme pour l’Afghanistan, il y aura encore bien des négociations qui vont être nécessairement ralenties par cette saison de vacances parlementaires et diplomatiques, de dispersion universelle. Ce n’est qu’avec le temps que cette situation nouvelle peut se développer et prendre tout son caractère. Quant à la France, ce qu’elle a évidemment de mieux à faire, c’est d’attendre sans s’émouvoir, de laisser passer les polémiques et les combinaisons, de défendre fermement,tranquillement ses propres intérêts, qui se confondent avec les intérêts européens, en évitant surtout de donner inutilement des griefs par les inconsistances et les excitations d’une politique dont elle serait la première à souffrir. La France n’a qu’à rester elle-même, libre de traiter avec ceux qui voudront traiter avec elle, sans se laisser entraîner dans des combinaisons qui ne sont pas toujours sûres. C’est le rôle que lui trace sa situation, et, puisqu’elle a les inconvéniens d’un certain isolement, c’est bien le moins qu’elle en garde aussi les avantages.

CH. DE MAZADE.