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une question d’arrangemens de famille antérieurement convenus, à modifier dans un nouveau sens ; et Mme Périer, qui ne paraît guère avoir été mondaine, s’y oppose en même temps et autant que son frère. C’étaient des dettes, peut-être, ou d’autres charges, assignées sur les revenus ; peut-être le bien, de sa nature, était-il difficile à réaliser ; peut-être Jacqueline contrariait-elle des engagemens pris ; que sais-je ? Nous demandions un médecin tout à l’heure, et c’est un jurisconsulte, ou un savant dans l’ancien droit qu’il nous faudrait maintenant pour reconstituer ces arrangemens de famille, et nous aider à juger plus exactement que nous ne le pouvons faire encore d’un trait de la vie mondaine de Pascal.

Mais c’est sur ce qu’ils ont appelé le Roman de Pascal que les biographes ou les critiques se sont donné carrière. Déjà, dans une de ces réponses que les jésuites essayèrent de faire à l’auteur des Provinciales, un de leurs pères n’avait pas craint d’écrire « que le secrétaire de Port-Royal avait donné de justes sujets de croire qu’il n’était pas si chaste que Joseph, et que, s’il n’avait été dépouillé d’une autre façon que ce patriarche, peut-être il n’aurait pas fait tant d’invectives contre les casuistes, de ce qu’ils n’obligent pas les femmes à restituer à ceux qu’elles ont dévalisées par leurs cajoleries. » La tradition de ces plaisanteries ecclésiastiques sur une matière toujours délicate ne s’est point perdue parmi nous, et, sinon dans le livre de l’abbé Fuzet, mais du moins dans celui de M. Ricard, on en trouvera plus d’un exemple. À l’égard d’un Pascal, et sous la plume ou dans la bouche d’un prêtre nulle raison n’en excuse la forme ; mais le fond en semble avoir pris quelque consistance ou quelque apparence depuis la publication du Discours sur les passions de l’amour. Dans ce Discours, Victor Cousin, qui l’avait découvert, avait reconnu « l’écho secret et la révélation involontaire d’une affection que Pascal aurait éprouvée pour une personne du grand monde. » M. Faugère, plus décisif, avait nommé la personne : Charlotte Gouffier de Roannez, future duchesse de La Feuillade, sœur de ce duc et pair qui fut l’ami, le protecteur, et le disciple de Pascal. Mais M. Ricard, encore mieux informe, nous donne, comme on dit aujourd’hui, des détails. Il sait comment Pascal déclara son amour ; comment « durant une petite fête que le duc de Roannez avait organisée en l’honneur de son savant ami, » un oncle de la jeune fille « menaça Pascal de lui passer son épée au travers du corps ; » comment Pascal, après cette scène, eut de la peine à s’endormir. Pour bien nous montrer d’ailleurs s’il connaît son XVIIe siècle, il ajoute qu’en même temps que Mlle de Roannez, deux « autres personnes du grand monde, » Mme de Longueville et Mme de Sévigné, « poursuivaient de leur admiration » ce jeune homme « superbe et mélancolique. » Et, dans une insinuation dont je laisse au lecteur d’apprécier le bon goût, il conclut : « Désormais nous serons moins surpris de rencontrer