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indigène. La Bosnie pourrait facilement fournir des chevaux à l’Italie et à tout le littoral de l’Adriatique. On élève des porcs presque à l’état sauvage, dans les bois de chênes. Avec leurs hautes pattes et leur aspect de sanglier, ils galopent comme des lévriers. Si on introduisait les races anglaises, qu’on engraisserait avec du maïs, on ferait concurrence au porc de Chicago. Les moutons sont nombreux ; c’est la viande préférée du musulman ; mais la laine est très grossière : elle sert à confectionner les étoffes et les tapis que les femmes tissent, au sein de chaque famille. Chacun a des chèvres ; elles sont le fléau des forêts, parce que les bergers quittent les plaines pour tout l’été et emmènent les troupeaux sur les hauteurs, dans les pâturages et dans les bois des montagnes. Dans chaque maison on trouve de la volaille et des œufs qui, avec une sauce aigre et de l’ail, sont un des mets préférés des Bosniaques. Ils ont souvent des ruches ; 118,148 ont été recensées. Le miel remplace le sucre, et la cire sert à fabriquer les cierges, qui jouent un si grand rôle dans les cérémonies du culte orthodoxe.

La statistique officielle de 1879 donne les nombres suivans pour les animaux domestiques en Bosnie-Herzégovine. Chevaux, 158,034 ; mulets, 3,134 ; bêtes à cornes, 762,077 ; moutons, 839,988 ; porcs, 430,354. Si nous comptons 10 moutons et 4 porcs pour une tête de gros bétail, nous obtenons un total de 1,114,796, ce qui, pour une population de 1,158,453 habitans, fait presque 100 têtes de gros bétail par 100 habitans. C’est une proportion extrêmement élevée puisqu’en France, le chiffre équivalent n’est que 49 ; dans la Grande-Bretagne, 45 ; en Belgique, 36 ; en Hongrie, 68 ; en Russie, 64. Dans tous les pays où la population est peu dense, comme en Australie, aux États-Unis et comme jadis chez les Germains, les espaces inoccupés entretiennent beaucoup d’animaux domestiques et, par conséquent, les hommes peuvent se procurer facilement de la viande. Quoique la Bosnie exporte des bêtes de boucherie en Dalmatie, pour les villes du littoral, le Bosniaque mange beaucoup plus de viande que le cultivateur chez nous. César dit des Germains : Carne et lacte vivunt. Si l’on considère le chiffre du bétail relativement à l’étendue du pays, on obtient, au contraire, une proportion très peu favorable : 22 têtes de bétail par 100 hectares en Bosnie, 40 en France, 51 en Angleterre, 61 en Belgique. La production totale que livre le sol dans la Bosnie-Herzégovine est très minime, car elle n’entretient que 22 habitans par 100 hectares, alors qu’il y en a en Belgique 187, en Angleterre 111, en France 70. Il faut aller en Russie pour trouver seulement 15 habitans sur la même étendue, et le nord de l’empire russe a un climat et un sol détestables. Le salaire du journalier est à la campagne de 0 fr. 70 à 2 francs suivant la saison et la situation ; dans les villes, de 1 fr. 10 à 2 fr. 10.