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d’Ilitche, situés à une lieue de la ville. Nous entrons en passant dans l’École militaire des cadets bosniaques. Le commandant de l’établissement nous le montre non sans une pointe d’orgueil. C’est une ancienne caserne turque pas trop mal construite. Elle contient des salles de classes bien aérées, où l’on donne aux jeunes gens une instruction assez complète. Ils font l’exercice en ce moment sur une vaste plaine de manœuvres. Ils portent un élégant uniforme brun, façon autrichienne. Ils appartiennent aux différens cultes du pays, et c’est un excellent moyen de faire disparaître les animosités religieuses si âpres ici. J’avais vivement regretté l’introduction de la conscription dans ces provinces, parce qu’elle me semblait de nature à provoquer un profond ressentiment chez les populations qui s’étaient soulevées récemment pour la repousser. Ce que j’apprends à Serajewo me porte à croire que je m’étais trompé. La résistance provenait presque uniquement des musulmans. Pour les rayas, au contraire, c’est les relever que de les faire servir à côté de leurs seigneurs et maîtres. Dans beaucoup de localités, les paysans se rendent maintenant à l’inscription, drapeaux et musique en tête. Le contingent s’augmente d’un grand nombre de volontaires, ce qui prouve que le service n’est pas impopulaire. Ainsi, en 1883, le recrutement appelait 1,200 hommes pour la Bosnie et l’Herzégovine, et 1,319 ont été enrôlés, dont 608 orthodoxes, 401 catholiques et 308 musulmans. Les différens cultes se plient donc également au service obligatoire. Il n’y eut que 45 réfractaires, chiffre inférieur à celui qu’on trouve dans beaucoup des anciennes provinces de l’empire. A Vichegrad, le contingent appelait 6 hommes ; il s’est présenté 15 volontaires. Sur 2,500 Herzégoviniens qui s’étaient réfugiés dans le Monténégro lors des derniers troubles, 2,000 sont rentrés et se sont remis au travail. Les réfractaires sont presque tous des bergers qui font paître leurs troupeaux sur les alpes des montagnes les plus inaccessibles. Il existe encore vers les frontières du sud quelques petites bandes de brigands, mais ils se bornent ordinairement à voler du bétail. Pour rendre la sécurité complète, des corps volans ont été formés ; ils sont armés du fusil Kropaczek à tir rapide et portent avec eux des vivres pour plusieurs jours. Ces soldats d’élite, au nombre de 300, sont partagés en petits détachemens qui arrivent à l’improviste partout où les brigands se montrent. Bientôt, il n’y en aura plus que dans le sandjak de Novi-Bazar, occupé par l’Autriche, mais où l’autorité est restée aux mains des Turcs. Sous le rapport militaire, la Bosnie offre plus d’avantages à l’Autriche que Tunis à la France ou Chypre à l’Angleterre, car elle pourra lever dans ces provinces des régimens qui ne seront pas inférieurs aux fameux Croates, avec leurs manteaux rouges. N’est-il pas triste que cette pensée de l’équilibre des forces armées vienne