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chaque famille du rite oriental ; cet impôt a été supprimé, par décret impérial du 20 avril 1885, à la grande joie des populations orthodoxes. En même temps, l’administration exerce un droit général de contrôle sur le côté pécuniaire des affaires ecclésiastiques et il a ouvert une enquête sur la situation et le revenu des différentes cures et des couvens. Ce sont là d’excellentes mesures. Les couvens orthodoxes en Bosnie ne sont ni riches ni peuplés. Quelques-uns ne comptent que quatre ou cinq moines. Mais la population leur porte un grand attachement. Quand le paysan voit passer un religieux, avec son grand cafetan noir et ses longs cheveux tombant sur ses épaules, il se jette à genoux, implore sa bénédiction et parfois embrasse ses pieds. Aux monastères, situés ordinairement dans les montagnes ou dans les bois, se font des pèlerinages très fréquentés. Les fidèles y arrivent en foule, avec des drapeaux et de la musique. Ils campent, ils dansent, ils chantent ; ils apportent des cierges en quantité et achètent des images, des verroteries, des colliers de peu de valeur, qu’ils conservent comme des reliques. Le nouveau séminaire de Keljewo, avec ses quatre années d’étude, relèvera peu à peu le niveau intellectuel du clergé orthodoxe.

Le gouvernement autrichien s’est aussi immédiatement occupé de l’instruction. Ici encore se sont révélés les funestes effets de la domination turque et son impuissance absolue à réaliser des réformes. Pour imiter ce qui se fait en Occident en faveur de l’enseignement, la Porte avait édicté en 1869 une excellente loi : chaque village, chaque quartier d’une ville devait avoir son école primaire. Dans les localités importantes, des établissemens d’enseignement moyen devaient être organisés, avec un système de classes d’autant plus complet que la population était plus nombreuse, et une dotation convenable était affectée au traitement des maîtres, organisation, disaient-ils, qu’eussent enviée la France et l’Angleterre. Tout ce beau projet n’aboutit à rien. Les begs ne voulaient pas d’écoles pour leurs enfans qui n’en avaient pas besoin, et encore moins pour les enfans des rayas, qu’il était dangereux d’instruire. D’ailleurs le gouvernement turc manquait d’argent. La loi, si admirable sur le papier, resta lettre morte. Cependant grâce aux vakoufs, les musulmans possédaient presque partout, à l’ombre des mosquées, une école primaire, mekteb, et des écoles de théologie, des médressés, où l’on s’occupait de l’exégèse et des commentaires du Koran. Avant l’occupation, il y avait 499 écoles mektebs et 18 médressés, où l’instruction était donnée par 660 hodschas à 15,948 garçons et 0,360 filles. Les écoles ont continué en général à subsister, mais comme elles ont un caractère essentiellement confessionnel, le gouvernement ne s’en occupe pas. Les élèves n’y apprenaient guère qu’à réciter par cœur un certain nombre de passages du Koran.