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avait par-delà l’Océan. Alors furent inaugurés les voyages au long cours, dont les Portugais donnèrent le premier exemple. C’est ainsi que, par un fatal concours de circonstances, Barcelone se trouva déchue et comme capitale d’un royaume et comme grand port de mer. Du premier rang elle passa au second, puis au troisième, Madrid étant devenue par un caprice ville royale et le centre de la monarchie.

L’enceinte de pierre, qui permit à Barcelone de soutenir des sièges célèbres dans l’histoire, a été démolie depuis quelques années, et la place ne manque plus désormais pour de nouveaux quartiers. La ville s’agrandit, s’embellit tous les jours, et la partie neuve, un peu banale, ne nuit pas à l’effet que produit la vieille cité, avec ses rues étroites, tortueuses, un peu sombres, et les nombreux monumens qui racontent ses grandeurs passées. La plus belle façade domine la mer. En montant du port vers les quais, on voit une série de beaux édifices, une place immense bordée de palais, avec une grande porte monumentale. En longeant les galeries de Xifré, où résident la plupart des agences maritimes, on arrive à une autre place ouverte, d’où la vue découvre cette merveilleuse promenade, bordée à droite par de solides et somptueuses demeures, parmi lesquelles se détache la royale habitation du capitaine-général de la province, et à gauche par un haut parapet qui longe la rade jusqu’au pied du fort de Monjuich, planté sur la falaise comme une sentinelle qui veille à la fois sur le port et sur la cité. Une forte garnison, avec une artillerie formidable, tient en respect cette population active, inquiète et turbulente, qui vit sous le canon et dont l’humeur révolutionnaire a bravé plus d’une fois la dernière raison des rois ou des régens. La mémoire du maréchal Espartero n’est pas, à beaucoup près, aussi chère aux Barcelonais que celle du général Prim, un vrai Catalan de Reus.

La « muraille de mer, » comme on dit là-bas de cette incomparable terrasse où poussent péniblement de gros palmiers disgracieux, forme un angle droit avec l’esplanade, laquelle se trouve sensiblement au-dessous ; mais la pente est très douce. La Rambla de Barcelone consiste en une très longue avenue plantée d’arbres hauts et touffus, se déroulant entre deux contre-allées bordées de maisons, d’hôtels, de théâtres, de cafés, de boutiques et de magasins en tous genres. Les changeurs y sont en grand nombre. C’est sur cette avenue, dans la partie haute, que se tient tous les matins le marché aux fleurs. Chaque marchande dispose d’une table ovale en pierre polie, symétriquement placée entre deux arbres. Le coup d’œil est charmant. Tout au bout, du côté opposé à la mer, est une place immense, bordée de bâtimens tout neufs. C’est le quartier de l’Université. Les principales rues de la ville aboutissent à cette superbe promenade, très animée, très fréquentée à toute heure, et