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reculée, loin du mouvement, sans cette émulation salutaire qui stimule et féconde les talens. Les uns, en petit nombre, s’associent d’intention aux essais de renaissance littéraire dont Barcelone est le centre ; les autres, et, c’est la majorité, songent à Madrid, trop-heureux quand des publications en espagnol leur ouvrent l’académie de l’histoire ou celle de la langue ! L’amour des palmes académiques ou du laurier, non moins cher aux poètes qu’aux écrivains, pousse vers l’éloquence ceux qui ont la plume facile, et quelque grand ouvrage, solennel et pesant, est le fruit ordinaire de cette ambition classique. C’est ainsi que le savant et laborieux archiviste de Palma vient d’écrire en deux volumes de grosseur raisonnable une suite au Discours sur l’histoire universelle de Bossuet, dans-un esprit ultramontain. Combien mieux eût valu une histoire générale des îles Baléares, puisée aux sources ! Voilà du moins un sujet digne de tenter l’homme qui tient sous clé, dans un dépôt d’une richesse inouïe, tout le passé de ces îles en somme assez peu connues. D’autres littérateurs de Majorque, il est vrai, n’oublient, quand ils écrivent, ni leur langue maternelle ni leur pays natal. Parmi ceux qui ont rendu et qui promettent de rendre service à la littérature catalane, il faut citer en première ligne Mariano Aguiló, Francisco Barceló, Alvaro Campaner, Geronimo Rosselló, érudit et poète de mérite ; et il n’est que juste d’honorer ici la mémoire de feu J.-Joseph Amengual, auteur d’une grammaire estimable et d’un grand dictionnaire du dialecte de Majorque, grosse et utile compilation, unique dans son genre, et qui vaudrait beaucoup mieux si le consciencieux compilateur s’était servi de sa propre langue pour expliquer les mots, au lieu de l’espagnol et du latin. C’est un travail empirique, d’après l’ancienne méthode ; il n’y a pas trace de ce qu’on appelle la philologie comparée, science commode qui substitue doctement l’algèbre à la grammaire et au vocabulaire, et qui commence à s’introduire en Espagne. Avant de se mettre à piller Diez, il faudrait imiter ce savant homme, qui commença ses travaux par l’étude patiente des textes. Or les textes abondent dans les archives civiles et ecclésiastiques de Palma, et beaucoup remontent au temps de la conquête. Peu de villes en Europe ont conservé autant de monumens et de documens du moyen âge ; et il n’y en a pas beaucoup qui offrent autant de ressources aux hommes studieux. Outre la bibliothèque municipale et celle de l’évêché, il ne manque point de collections particulières très riches, entre autres celle du comte de Monténégro, héritier des trésors bibliographiques et archéologiques du cardinal Despuig. Le musée de Raxà, somptueuse maison de campagne à deux lieues de Palma, est riche en toute sorte d’objets curieux : inscriptions grecques et latines, bronzes, statues, bustes, bas-reliefs, parmi lesquels deux notamment