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douteux que, dans les circonstances récentes où s’est trouvée l’agriculture et dont elle n’est pas complètement sortie, les pays à métayers ont été moins éprouvés que ceux à rente fixe ; en second lieu, le métayage s’est accru dans les régions où il existait et a reparu dans des départemens où il en subsistait peu de traces. Le document où je puise ces renseignemens cite, parmi d’autres exemples, celui de l’Ain, où les petits cultivateurs qui s’étaient éloignés de cette forme d’exploitation y reviennent aujourd’hui ; il constate, dans l’ouest, une augmentation dans ce même mode ; il signale, dans le midi, des départemens comme celui de Vaucluse, qui y était peu disposé et qui en présente des cas assez nombreux ; il nous en montre jusque dans le nord et dans le nord-ouest, acquis naguère presque exclusivement, semblait-il, au fermage, et en compte quelques-uns dans l’Eure, la Somme, Eure-et-Loir, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, la Seine-Intérieure. S’il ne fallait voir là qu’un retour en arrière, signe momentané de notre affaiblissement agricole, il n’y aurait qu’à attendre des jours meilleurs. On pourrait croire que le temps nous ramènera bientôt au fermage de plus en plus étendu. Nous serions, en ce cas, dans la situation d’un peuple qui serait obligé, pour un temps, de renoncer à un outillage supérieur, d’un emploi trop coûteux, pour revenir à des moyens plus imparfaits, mais moins chers. Mais il s’agit précisément de savoir si le métayage mérite cette injurieuse comparaison avec ces engins défectueux bons à être relégués parmi les antiquités, ou s’il n’offre pas toutes sortes de ressources qui le rendent susceptible de progrès ultérieurs. Avant de tirer des conclusions ou tout au moins des conjectures, il fallait commencer par étudier les faits. La Société des agriculteurs de France s’en est chargée. On sait que cette grande association est composée en majeure partie de propriétaires fonciers. Soit qu’ils fassent valoir eux-mêmes leurs terres, soit qu’ils les fassent cultiver, ils sont au courant de tous les systèmes par la pratique, et sont à même de nous donner des nouvelles de leurs effets dans les diverses parties de la France. L’enquête sur l’état des faits n’a pas suffi d’ailleurs aux déposans. La plupart ont donné leur avis sur les défauts et sur les mérites de l’institution en elle-même comme sur ses applications actuelles. Ce qui en ressort en définitive, c’est un retour d’opinion marqué. Le rapporteur, M. de Tourdonnet, s’en est fait l’organe avec compétence et autorité dans son rapport, qui forme un véritable ouvrage, auquel on doit ajouter comme complément d’information un Traité pratique du métayage du même auteur. La question y est posée avec toute sa portée sociale et agricole, traitée avec élévation et précision, non sans laisser place à réserves sur certains points et à quelques complémens qu’on nous