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ce prétendu axiome qu’il n’y avait là tout au plus qu’une étape qu’il fallait se hâter de traverser pour en sortir. On peut s’en convaincre en lisant une communication du savant et regretté secrétaire perpétuel de la Société nationale d’agriculture, M. Barrai ; s’il n’était pas sans objection sur quelques points, son attachement à la cause du progrès ne l’éloignait pas d’une adhésion sympathique à cette forme d’exploitation. Il demandait seulement qu’elle fût mise en rapport avec les besoins de l’état actuel. Il constatait que, dans plus de 300 fermes à métayers, qu’il avait visitées dans le Limousin en 1876, 1877, 1878, le revenu avait au moins doublé depuis vingt-cinq ans ; il invoquait le témoignage des propriétaires qui avaient reconnu devant lui que la valeur de leurs terres était devenue deux et trois fois plus considérable qu’en 1850 et en 1860. Ce qui n’est pas moins significatif, c’est cet aveu qui sert de réponse à ceux qui s’obstinent à considérer le métayage comme une sorte de domesticité humiliante : « Depuis 1850, les métayers s’élèvent de plus en plus à la position d’associés des propriétaires, et ils deviennent ainsi d’excellens agens pour accroître et assurer la prospérité de l’agriculture française. »

On rencontre dans l’enquête la réponse la plus complète qui ait encore été adressée à l’adage que les pays de métayages sont nécessairement des pays pauvres, tandis que le fermage caractérise les contrées riches et prospères. Il est parfaitement vrai qu’il y a des pays pauvres qui sont cultivés par des métayers, et qui le seraient plus mal autrement. C’est ainsi que le département des Landes ouvre la marche avec ses 27,484 métayers. Mais on n’appellera pas sans doute pays pauvres les départemens qui viennent après, la Dordogne avec 24,893 métayers, l’Allier avec 11,632, la Gironde avec 11,568, la Charente avec 10,776, le Lot avec 10,000, la Haute-Vienne avec 8,337. On ne saurait soutenir que ces pays, au point de vue agricole, soient plus pauvres que le Cantal, qui ne compte que 2,292 métayers, que la Creuse, qui n’en compte que 2,069, que la Haute-Savoie, qui n’en compte que 855, que la Lozère qui n’en compte que 325. On soutient, il est vrai, que le centre et le midi, ces pays de métayage, sont relativement pauvres, ce qui n’est pas vrai pour toutes les régions. Là, ajoute-t-on, point de fermiers, et c’est ce qui contribue à rendre ces pays arriérés. Or, si quelquefois, en effet, le fermage pourrait être utilement appliqué sur certains points, cette assertion si souvent répétée n’en est pas moins fausse dans sa généralité. Le fermage est très connu dans le centre et le midi, mais il y est très mal pratiqué. L’état du moins n’a pas extrêmement changé depuis que, il y a plus de quarante années, M. de Gasparin traçait la description de ce fermage défectueux.