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qu’ils ne se l’imaginent. Nous avons vu aussi des exemples en sens contraire où l’intérêt affectueux, le ton amical plutôt que familier à l’excès, obtenait un respect moins prompt peut-être à se manifester par l’humilité de la déférence extérieure, mais plus sérieux, et qui s’exprimait en l’absence du propriétaire aussi bien qu’en sa présence. Le niveau plus élevé de l’instruction recommande ces règles non moins que les mœurs de la démocratie. Cette nécessité de l’instruction pour les métayers ne fait plus doute pour personne. L’ignorance n’a pas trouvé un seul défenseur dans l’enquête, même à mots couverts. Puisque le paysan a mordu à l’arbre de la science, on veut seulement qu’il y trouve autre chose que des fruits suspects. L’instruction professionnelle ne peut que venir fort utilement en aide à ces élémens d’instruction primaire nécessaires à la culture de l’esprit, mais qui peuvent servir indifféremment au bien et au mal. On s’est demandé même si, aux connaissances générales nécessaires aux agriculteurs, ne pouvaient pas être ajoutées celles qui constituent les règles d’une exploitation à mi-fruits pour le propriétaire et pour ses coassociés. Cette science du métayage peut s’apprendre dans les cours agricoles ; ne pourrait-on y consacrer des écoles spéciales, et y employer, comme M. de Tourdonnet le propose, les colonies et les orphelinats agricoles? C’est une idée à examiner.

Pour fonder le métayage sur de bons rapports personnels et lui donner toute sa puissance productive, il y a une institution qu’il importe essentiellement de faire disparaître; elle s’est implantée par suite de l’absence des propriétaires, et, bien qu’elle ait moins d’étendue qu’autrefois, elle contribue à l’infériorité et à l’impopularité du métayage, nous voulons parler des fermiers-généraux, qui sont placés comme intermédiaires entre le propriétaire et les exploitans. Des gens de campagne, possédant eux-mêmes quelques capitaux, ont vite compris qu’il y avait là une place à prendre. Dans certaines localités, ces intermédiaires rendent des services, on ne saurait comment les remplacer immédiatement, mais il faut y tendre. La plus souvent, ces fermiers-généraux commandent durement; leur intérêt est de gagner sur le travail ; ils ne songent, une fois le fermage payé, qu’au revenu excédent qui constitue leurs bénéfices. Sauf exceptions, ces intermédiaires maintiennent le métayage dans la misère. Le campagnard qui peut se soustraire à leur joug se hâte d’y échapper. Mieux vaut, à ses yeux, le fermage le plus infime, le plus pauvre faire-valoir. S’il n’y gagne pas la richesse, il gagne la liberté. On signale, depuis une trentaine d’années, la diminution progressive du nombre des fermiers-généraux, mais il reste encore trop de ces exploitans onéreux