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comme un usage suranné, quasi féodal, les « redevances » dont le métayer s’acquitte en œufs, beurre, volailles, etc., en quoi elles montrent seulement qu’elles se méprennent sur le caractère de ces redevances. C’est tout simplement une compensation afférente au propriétaire et fort inférieure à l’avantage fait au métayer, avec qui on n’a pas, dans une foule de pays, dans la plupart même, voulu partager par moitié ce genre de produits dont on lui a laissé la jouissance. Il entre d’ailleurs, peut-être, dans cet arrangement autant et plus de prudence que de libéralité. Mieux vaut régler largement la part du lait, par exemple, que d’exposer le veau à en être frustré. Laissez donc ces petits profits et ces légers agrémens à la ménagère, qui a dans son département les poules, les canards et autres produits de basse-cour. Songez que la loyauté à l’égard de ces menus objets si tentans et qui se placent si naturellement sous la main ne veut pas être mise trop à l’épreuve. Les usages varient d’ailleurs sur un point plus important, je veux dire la quotité du partage pour la totalité des produits. Quoique la moitié soit le terme le plus souvent indiqué, on ne saurait taxer ordinairement d’injustice les écarts souvent assez sensibles en plus ou en moins, imputables à la nécessité d’équilibrer les sacrifices et les avantages de part et d’autre. Cette variété d’arrangemens, si souvent critiquée à tort, n’est pas une des infirmités du partage à mi-fruits, elle est une de ses forces; elle lui permet de tenir compte de beaucoup d’élémens qui changent avec le climat, les circonstances locales, la situation réciproque des parties; ce n’est donc pas du côté d’un type uniforme, qui sacrifierait les différences les plus réelles à une égalité apparente et tyrannique, qu’il faudra se tourner pour obtenir de bonnes réformes. Nous sommes d’accord sur tout cela avec M. de Tourdonnet, avec M. de Garidel et les autres adversaires d’une égalité mal entendue. Toutefois, cette manière de poser la question et de la résoudre ne nous paraît pas répondre absolument à toutes les données du problème dans le présent et dans l’avenir. Il en est une qu’on semble trop oublier, c’est la loi économique qui, dans les rapports du travail et du capital, tend à accroître la part relative du travail par une élévation des salaires. Cette loi doit, pour mettre ici les faits en harmonie avec les autres travaux, avoir son expression équivalente dans un certain accroissement proportionnel de la part du métayer. Prenez un produit industriel quelconque, c’est la part afférente à la main-d’œuvre et au travail sous toutes ses formes qui a augmenté et qui augmente. Nulle raison pour que la production agricole échappe à cette loi. M. de Tourdonnet, dans son rapport, M. de Garidel, dans l’étude qu’il a consacrée au métayage, interprètes en cela d’une pensée qui ne