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En 1868, le Fouta, qui a la spécialité des prophètes, et qui nous avait déjà envoyé El-Hadji et Maba, suscita encore Ahmadou Cheïkou. Lat-Dior fut d’abord son allié, mais notre politique l’arma contre l’envoyé d’Allah, et il contribua à la sanglante victoire de Boumdou (11 février 1875), où le saint homme périt avec cinquante-trois membres de sa famille et tous ses lieutenans. C’était le troisième prophète dont nous faisions échouer la mission.

En 1859 et 1863, le Damga et le Toro, du consentement de leurs habitans, furent annexés à la colonie. Puis le vieux Fouta subit de nouveaux démembremens : le Lao et l’Irlabé furent, en 1877, placés sous notre protectorat.

En 1880, l’établissement d’une ligne télégraphique dans le Fouta fut le prétexte d’une révolte des Bosséyabé, établis entre les forts de Saldé et de Matam ; leur chef Abdoul-Boubakar fut battu à N’Dourbdaiou (1881), et s’engagea de nouveau, avec tous les chefs du pays, « à respecter religieusement les traités antérieurs » et à protéger la ligne télégraphique. En 1883, le Fouta central se sépara de l’ancien Fouta et accepta notre protectorat. Depuis lors, le Fouta, bien qu’il soit resté un champ de recrutement pour les bandes du sultan de Ségou, ne nous a plus donné d’embarras sérieux.

Quant au Fouta-Djalon, vaste confédération d’états peuhls, situé au sud-est des régions précédentes, appuyée à la chaîne de montagnes qui sépare le bassin de la Gambie de celui du Niger, M. Bayol en a entretenu les lecteurs de la Revue. La convention de protectorat qu’il a fait signer, le 4 décembre 1881, et qui a été suivie d’un voyage à Paris par quatre chefs du pays, est, paraît-il contestée par les Anglais. Ils prétendent que, quelque temps avant le traité Bayol, un traité semblable aurait été conclu avec les mêmes chefs par un envoyé du gouverneur de Sierra-Leone. Il serait fâcheux qu’on eût permis à ces entreprenans voisins de nous précéder dans cette région ; mais cet acte, à supposer qu’il ait une valeur, peut rester parfaitement inutile entre leurs mains, si nous voulons bien hâter un peu notre progrès vers les sources du Niger.

Nous n’avons mentionné, dans cet exposé, que les expéditions les plus importantes, et nous nous sommes abstenus d’entrer dans le détail. Il est bon cependant de signaler quelques caractères des guerres sénégalaises. Il faut montrer d’abord avec quels faibles moyens on a obtenu de si grands résultats. C’est presque uniquement avec les forces militaires de la colonie que les Maures ont été refoulés sur la rive droite, les états de la rive gauche soumis à notre domination, l’essor de trois prophètes brisé. Or, ces forces militaires n’ont jamais dépassé, nous dit M. Faidherbe, trois bataillons d’infanterie,