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en des régions à peine connues, à une distance énorme de Saint-Louis, présentât une exactitude que n’offrent même pas les devis des travaux exécutés en France. Environ 17 kilomètres seulement de rails purent être posés.

Quand le gouvernement reparut devant la chambre, avec une nouvelle demande de 4,677,000 francs, une violente opposition se produisit. M. La Vieille, sans apporter d’ailleurs des faits bien précis à l’appui de ses dires, déclara que l’entreprise était insensée, ruineuse et détestable, digne du héros de Cervantes ; il mit dans le même sac le chemin de fer de Dakar, aujourd’hui en pleine exploitation, et celui de Bafoulabé, et annonça que tous les hommes compétens étaient unanimes à les condamner. MM. Germain Casse et Blancsubé, celui-ci député de la Cochinchine, tout en se déclarant partisans de la politique coloniale et des chemins de fer coloniaux en général, s’insurgèrent contre cette politique et ce chemin de fer-là. M. Blancsubé affirma que le fort de Kita était inhabitable, que celui de Bammako, à peine construit, ne tenait pas debout ; que la ligne serait envahie par la forêt vierge, que les rails seraient rongés par la rouille, que les indigènes les volaient déjà pour en faire des marmites. M. Clemenceau assura qu’un chemin de fer était bien inutile pour défendre nos soldats engagés dans le Soudan et que, « s’ils sont en péril, MM. les ministres de la marine et de la guerre sauront prendre les mesures nécessaires pour venir à leur secours. » Quelques députés, songeant à leurs intérêts locaux, protestèrent qu’il valait bien mieux construire des chemins de fer en France. Les crédits furent défendus par M. Jules Ferry, président du conseil, par M. Leroy, rapporteur, par MM. Charles Ferry, Rouvier et Gasconi. Ils firent, pièces en main, justice des exagérations, des fables. Ils prouvèrent que le matériel n’était pas dans l’état imaginé par M. Blancsubé. Ils montrèrent que la voie ferrée n’avait pas coûté sur l’ensemble des crédits plus de 9,605,000 francs, et que les 6,400,000 restans avaient été employés à la création de lignes télégraphiques, à des établissemens industriels dans Saint-Louis même, aux missions et expéditions militaires, et enfin aux constructions de forts. Grâce à l’intervention personnelle du président du conseil, le crédit fut encore voté, le 3 juillet 1883, par 273 voix contre 101. Au sénat, le crédit fut attaqué par MM. Lambert de Sainte-Croix et de Saint-Vallier, défendu par MM. Barne, rapporteur, Dislère, commissaire du gouvernement et l’amiral Jauréguiberry. Il fut voté, le 1er août, par 150 voix contre 39.

Les choses ne tournèrent pas aussi bien lorsque fut présentée une nouvelle demande de 3,300,000 francs. M. Leroy, encore une fois délégué par la commission de la chambre, avait déposé un