Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne font que rendre plus sensible le contraste croissant entre les tendances de la démocratie parisienne et l’opinion d’une grande partie de la France.

Ce qui se passe à Paris ne se passe point partout, en effet, et les élections ont manifestement un caractère assez différent dans le reste de la France, dans les provinces. Ici, à part quelques départemens où le radicalisme profite de toutes les exaltations d’opinion et cherche encore fortune, l’atmosphère n’est plus la même, l’esprit n’est plus le même. Il y a dans le pays, on le sent, on le voit, la lassitude de tous les mécomptes, le malaise causé par les imprévoyances d’une fausse politique, et avec la fatigue il y a un certain retour, un mouvement, auquel les candidats, même les candidats républicains, se croient obligés de répondre par leur attitude, par leur langage, par leurs déclarations. C’est bon pour Paris de mettre, dans un programme d’opportunisme et de radicalisme gouvernemental, la séparation de l’église et de l’état, la suppression du budget des cultes, l’impôt sur le revenu, l’élection des juges, les réformes universelles ; en province, on aime moins les chimères et les vaines déclamations parce qu’on est plus près de toutes les réalités. M. le ministre de l’intérieur, le candidat de M. Tolain, avouait lui-même assez naïvement l’autre jour, dans un banquet, qu’il n’y avait rien de mieux que de parler de réformes démocratiques, — ne fût-ce sans doute que pour n’en pas perdre l’habitude, — mais qu’il fallait ménager le tempérament du pays. M. le ministre de l’instruction publique, qui est un partisan, un partisan d’ailleurs libéral de la séparation de l’église et de l’état, avouait lui aussi, récemment, qu’il ne croyait pas cette réforme mûre, et que, ne la votant pas, on devait pratiquer loyalement le concordat sans batailler sans cesse sur le budget des cultes. Beaucoup de candidats qui ont soutenu tous les ministères républicains, et qui ont à s’en défendre, se hâtent aujourd’hui de souscrire à des programmes relativement assez modérés. C’est qu’en réalité le pays, non pas le pays des radicaux, des comités parisiens, mais le vrai pays, répugne à toutes les agitations et à toutes les aventures ; il est pour la paix religieuse, troublée par les sectaires, comme il est pour l’ordre financier, troublé par les prodigues, comme il est pour la prévoyance dans les affaires extérieures. Il ne demande peut-être pas, si l’on veut, à sortir de la république, puisque ce serait encore une révolution et qu’il n’aime pas les révolutions ; il demande, après la malencontreuse expérience de ces dernières années, d’autres hommes, une autre direction, une autre politique. Il demande en un mot quelque chose qui ne soit pas l’opportunisme aggravé par le radicalisme. On pourrait dire que c’est là un état assez général de l’opinion dans la grande masse française, et c’est précisément ce qui fait l’intérêt des tentatives comme celle qui vient de se produire aux portes mêmes de Paris, dans le département de Seine-et-Oise. Celle-là a le mérite d’être