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L’affaire bulgare est, dès maintenant, en effet, en voie d’arrangement diplomatique, et il y a de sérieuses raisons d’espérer que l’incendie allumé à Philippopoli par le coup d’état du prince Alexandre sera éteint avant que les flammes aient pu gagner le voisinage. Le sultan s’y est prêté de bonne grâce. Il n’était pas prêt militairement pour une répression immédiate de la révolte bulgare, et il a eu le bon sens de le reconnaître en renvoyant ses ministres belliqueux pour en prendre d’autres dont les tendances pacifiques pussent rassurer l’Europe. Les grandes puissances, pour lesquelles la réunion des deux Bulgaries a été une surprise non moins vive que pour la Porte, ont échangé rapidement leurs vues et décidé que leurs représentans à Constantinople se réuniraient pour étudier la situation et formuler des propositions qu’une conférence européenne aurait ensuite à ratifier officiellement. Il s’agit, tout en acceptant le fait accompli de l’union des deux provinces, fait sur lequel il paraît impossible de revenir, de trouver sous quelle forme il peut être mis en harmonie avec le reste des stipulations du traité de Berlin que l’on tient à conserver; il s’agit, en même temps, de trouver dans le nouvel état de choses quelques compensations à la Serbie et à la Grèce pour l’agrandissement de la puissance bulgare dans la péninsule des Balkans.

Les cours des fonds publics se sont donc relevés sur l’assurance d’une réunion prochaine des ambassadeurs en conférence à Constantinople. On espère que cette consultation de diplomates, nous allions dire de médecins, fera connaître et prescrira les moyens de localiser le conflit et de contenir les élémens de désordre. Si la paix est maintenue encore une fois par l’intervention opportune de la diplomatie, le parti de la hausse pourra puiser dans cette nouvelle victoire du bon sens sur les passions brutales de la guerre des argumens d’une incontestable valeur et reprendre sa campagne interrompue.

La valeur la plus atteinte a été le Turc. Précipité de 17 à 13.80, ce fonds a été promptement relevé par des rachats à 15 francs. Mais les ventes ont aussitôt reparu sous le coup des nouvelles relatives à l’insurrection d’Albanie, et le dernier cours n’est plus que de 1/2 à ¾ supérieur aux plus bas cotés en pleine panique. La Banque ottomane a subi les mêmes oscillations, tombant de 535 à 500, pour ne se relever encore qu’à 506. Il est possible, cependant, que les derniers événemens de Bulgarie, si la solution pacifique prévaut, tournent finalement à l’avantage des porteurs de titres de la dette turque. La conférence de Constantinople, en retour d’une reconnaissance officielle et en quelque sorte d’une légalisation des résultats de la révolution, pourrait imposer à la Bulgarie l’obligation de s’acquitter strictement des engagemens financiers mis à sa charge par le traité de Berlin, engagemens qu’elle a éludés jusqu’ici.