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des événemens. Mais il savait bien qu’à Mitau comme à Kiew, il pourrait paralyser son action si, de nouveau, elle tentait de s’exercer, Blacas n’eut donc aucune peine à obtenir ce que souhaitait son maître. Le 27 novembre, le tsar faisait savoir au comte de Lille qu’il persistait à lui offrir un asile à Kiew, mais qu’il lui permettait en attendant et, vu la saison rigoureuse, d’habiter Mitau.

À cette occasion, il fallut traiter encore la question d’argent. Elle s’imposait plus que jamais, impérieuse et pressante. « Ce déblai de Varsovie dans une pareille saison, écrivait le 25 décembre d’Avaray à Blacas, et à l’époque où tous les loyers venaient d’être renouvelés, où toutes les provisions d’hiver venaient d’être faites, sera d’un embarras, d’une dépense et d’une perte exorbitante. Le quartier de janvier mangera l’année entière... En 1798, lors du départ de Blankenbourg, le roi était seul de sa personne avec un petit nombre de serviteurs. L’empereur Paul, indépendamment de son traitement, fit passer à notre maître 60,000 roubles pour les frais de son déplacement. Comparez un peu le déplacement de Blankenbourg avec celui de Varsovie. » La générosité d’Alexandre facilita le dénoûment des difficultés que signalait d’Avaray. Au mois de janvier 1805, le roi quittait Blankenfeld et s’installait de nouveau dans le château de Mitau, où, quelques semaines plus tard, la reine et la duchesse d’Angoulême venaient le rejoindre[1].


III.

Au cours de ces agitations qui troublaient le repos de Louis XVIII, la proclamation qu’il voulait adresser à « son peuple » était le principal

  1. C’est seulement au mois d’avril que les princesses, retenus à Varsovie par le froid et par la santé de la reine, déjà très délabrée, purent se réunir au roi. La détresse de la famille royale ne fut pas étrangère à ces retards. Le roi faisait recommander l’économie à sa femme elle-même : « Le roi a fait maritalement tout ce qu’il pouvait faire, écrivait d’Avaray. C’est à M. d’Havre à se prévaloir des intentions connues de Sa Majesté et des favorables dispositions manifestées par la reine pour ramener sans cesse aux principes d’économie plus que jamais nécessaires dans la cruelle situation où le roi se trouve. » La reine se résigna. La maison royale, en partie licenciée, fut réduite à douze personnes; on vendit les chevaux et les voitures. Malgré ces sacrifices, on laissa des dettes à Varsovie. Les princesses firent la route jusqu’à Mitau, accompagnées seulement du marquis de Bonnay, de l’abbé Edgeworth et de quelques domestiques.