Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/827

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Majesté impériale. » Pendant le court séjour que Louis XVIII fit en Suède, sur la route de Carlscrone à Gothenbourg, on le traita en roi; la famille royale lui prodigua les plus touchantes attentions. Ce fut suffisant pour atténuer les effets de la cruelle déception que lui causait l’avortement des projets de Gustave IV.

En vue de ce voyage en Angleterre si rapidement résolu, il se nourrissait maintenant d’illusions nouvelles, rêvait de jouer un grand rôle : « Nous serons les anges pacificateurs entre la Russie et l’Angleterre, disait d’Avaray à un haut personnage suédois; voilà le rôle qu’il nous convient de jouer. Le roi ne peut pas renoncer gratuitement à son asile de Russie. L’essentiel est de voir de ses propres yeux comment se traitent ses affaires en Angleterre. » Ce que d’Avaray ne disait pas, c’est que son maître se proposait de solliciter des Anglais de nouveaux secours pécuniaires, d’essayer de les décider à jeter un corps d’armée en Vendée, et d’obtenir pour lui-même l’autorisation de séjourner aux environs de Londres. Sur ces divers points, le secret le plus absolu était ordonné. Louis XVIII avait même demandé à Gustave IV de ne pas parler de son voyage.

Le 25 septembre, il se trouvait à Gothenbourg. Mais il dut attendre, à bord de la Troja, des vents favorables. Le 11 octobre, il n’était pas encore parti. Il se décida alors à écrire au roi d’Angleterre, à qui, jusqu’à ce jour, il avait négligé de faire part de ses projets : « Je viens chez Votre Majesté, disait-il, lui demander de me mettre à portée de concerter avec elle les moyens d’aller en personne délivrer mes fidèles sujets de l’oppression, arracher l’héritage de mes pères des mains de l’usurpateur et rendre la paix à l’Europe. J’y viens avec mon neveu, le duc d’Angoulême, sous la sauvegarde du généreux Gustave IV, l’ami fidèle de Votre Majesté, et je peux dire le mien. Je n’observe point de formes, parce que le temps presse et que j’ai la certitude de servir Votre Majesté en lui fournissant un allié puissant. Cet allié, ce n’est pas ma personne, c’est le roi de France. » La lettre était longue. Le roi y développait les vues qu’il avait tenté vainement de faire agréer par l’empereur de Russie. Mais, malgré l’éloquence de ses accens, ce nouvel effort ne devait pas être plus heureux que les précédens. L’exilé fut même au moment de se voir refuser par le gouvernement britannique l’asile qu’il sollicitait.

A l’exemple des autres cabinets européens, et malgré sa haine contre Napoléon, le cabinet anglais, averti de l’arrivée prochaine du prétendant, ne se souciait pas de le recevoir. La famille royale était disposée à l’accueillir ; mais les ministres, las des incessantes demandes des émigrés, princes et autres, ne voyant plus en eux des