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sans interruption, comme avec un marteau, sur les forces et les ressources de l’ennemi jusqu’à ce que, par le seul effet du martelage, à défaut d’autre, il soit réduit à se soumettre. » Sa grande préoccupation était de s’assurer partout la supériorité du nombre ; il avait remarqué, disait-il encore, que le premier effort des confédérés était très puissant, mais qu’il ne se soutenait pas ; si donc on pouvait prolonger la lutte en faisant entrer en ligne de nouvelles troupes, on avait les plus grandes chances de demeurer maîtres du terrain.

Les forces dont Grant disposait lui permettaient aisément d’avoir l’avantage du nombre. L’armée du Potomac, sous Meade et Burnside, comptait 120,,000 hommes, le général Butler, établi à l’embouchure de la rivière James, avait 40,000 hommes, et dans la vallée de la Shenandoah, le général Sigel en avait 20,000. Les forces destinées à opérer contre Lee s’élevaient donc à environ 180,000 hommes : le général confédéré n’avait à leur opposer que 62,000 hommes. Aussi Grant annonça-t-il au gouvernement son intention « d’engager la lutte sur toute la ligne. » Dans la nuit du 3 mai 1864, l’armée du Potomac franchit le Rapidan : en même temps, Sigel faisait une démonstration dans la vallée de la Shenandoah, et Butler, quittant les bords de la rivière James, menaçait le camp retranché de Pétersburg, en arrière de Richmond. Lee, laissant à ses lieutenans le soin de repousser ces deux attaques, se porta au-devant de l’armée du Potomac, et avant qu’elle pût se développer, lui livra bataille dans ce qu’on appelle le Désert de Virginie (Wilderness), immense plaine couverte de taillis peu élevés qui abritaient les confédérés et ne permettaient pas aux unionistes de se servir utilement de leur formidable artillerie. On se battit dans ces taillis pendant deux longues journées : le troisième jour, il fallut, de part et d’autre, faire reposer les troupes. Grant, voyant qu’il ne pouvait avancer directement sur Richmond, dessina son mouvement sur la gauche, afin de tourner la droite des confédérés. Lee se porta encore au-devant de Grant et prit position à Spotts-Sylvania. Il y fut attaqué dès le lendemain. Ce fut une bataille ou plutôt une boucherie de dix jours, pendant laquelle Grant écrivit au ministre de la guerre : « Je compte me battre ici tous les jours, dussé-je y rester tout l’été. » Il savait que, s’il réussissait à forcer les lignes de Lee, la route de Richmond lui serait ouverte ; mais la position des confédérés était naturellement très forte et ils avaient ajouté aux difficultés du terrain par des retranchemens. Lorsqu’au prix de sacrifices énormes les unionistes eurent enlevé une première ligne de retranchemens, ils se trouvèrent en face d’une seconde ligne et dans l’impossibilité d’avancer. Il fallut renoncer à cette attaque ; il était d’ailleurs urgent de porter secours à l’armée