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colonnes parallèles, de sorte que Joe Johnston ne pouvait essayer d’arrêter une de ces colonnes sans s’exposer à être débordé et pris en flanc par l’autre. Le général confédéré dut donc livrer passage à Sherman et se contenta de se retrancher dans la région montagneuse par laquelle la Géorgie et la Caroline du nord confinent à la Virginie ; il abandonnait ainsi aux unionistes toute la Caroline du sud et toute la partie maritime de la Caroline du nord, c’est-à-dire les états où la rébellion avait pris naissance et d’où elle tirait ses dernières ressources. Savannah, Charleston, Wilmington même furent occupées, et, le printemps venu, Sherman remonta vers la Virginie, menaçant les communications de Joe Johnston avec Lee. Celui-ci comprit que tout était perdu si le mouvement de Sherman n’était pas immédiatement arrêté : il détacha une partie de ses forces pour coopérer avec son lieutenant ; mais ce détachement fut atteint et détruit par Sheridan, le 1er avril, au combat de Five-Forks. Le soir de cet engagement, toutes les batteries fédérales ouvrirent un feu terrible sur Petersburg, qui fut bombardé pendant toute la nuit ; à la pointe du jour, une attaque générale fut ordonnée ; le corps d’armé du général Wright eut en un quart d’heure onze cents hommes hors de combat, mais l’élan des unionistes fut irrésistible : ils prirent d’assaut deux des forts qui défendaient les approches de la place et plusieurs redoutes. Lee, qui n’avait plus avec lui qu’une trentaine de mille hommes, se décida à évacuer Petersburg et Richmond dans la nuit. Quand, le matin du 3 avril 1865, les unionistes se disposèrent à donner un nouvel assaut, ils trouvèrent les défenses de Petersburg abandonnées, et la lueur d’un immense incendie dans la direction de Richmond leur apprit que les confédérés avaient eux-mêmes mis le feu à leurs magasins et à leurs approvisionnerons. Grant se mit immédiatement à la poursuite de Lee, envoyant un corps d’armée dans chacune des directions qu’il pouvait prendre. Tandis que Meade devançait les confédérés à Jetersville et leur barrait le passage, l’infatigable Sheridan, avec son corps de cavalerie, atteignait leur arrière-garde, le 6 avril, et la faisait prisonnière presque tout entière.

Ici se placent les épisodes les plus honorables de la carrière de Grant. Il dépendait de lui d’anéantir les derniers débris de l’armée confédérée ; mais il se souvint que les adversaires qu’il avait devant lui étaient des compatriotes. Le 7 avril, il envoya à Lee un de ses aides-de-camp pour lui conseiller de se rendre et lui promettre une capitulation honorable. Le général confédéré, qui se voyait cerné et dont les troupes n’avaient plus ni vivres ni munitions, comprit que la continuation de la lutte était impossible, et qu’il n’avait d’autre parti à prendre que de s’en remettre à la générosité des vainqueurs. La capitulation eut lieu, le 9 avril : elle comprenait