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Slovènes, mais ceux-ci forment encore la population presque exclusive de la Carniole. Dans ces deux provinces et en Carinthie, jusqu’aux environs de Trieste, leur nombre doit approcher de deux millions. Le dialecte slovène, 4 le plus pur des idiomes jougo-slaves, était devenu un patois parlé seulement par les paysans. La langue de l’administration, de la littérature, de la classe aisée, en un mot de la civilisation, était l’allemand. Toute la contrée semblait définitivement germanisée ; mais, en 1835, Louis Gai, en fondant le premier journal croate, le Hvratske Novine, donna le signal du réveil de la littérature nationale, qu’on appela illyrienne dans l’espoir, aujourd’hui abandonné, que tous les Jougo-Slaves accepteraient cette dénomination. Après 1848, la concession du droit électoral amena la résurrection de la nationalité Slovène, grâce à l’activité intellectuelle d’une légion de poètes, d’écrivains, de journalistes, d’instituteurs, et surtout d’ecclésiastiques, ceux-ci voyant dans l’idiome national une barrière contre l’envahissement de la libre pensée germanique. Aujourd’hui les Slovènes ont la majorité dans la diète de la Carniole. Le slovène est devenu la langue de l’école, de la chaire, et même de l’administration provinciale. L’allemand n’est plus employé que pour les relations avec Vienne, et les pièces officielles sont publiées dans les deux langues. En Styrie, les Slovènes, qui occupent le midi de la province, parviennent à envoyer à la diète une dizaine de députés, qui, en toutes circonstances, défendent les droits de leur langue nationale. Celle-ci est parfaitement représentée à l’université de Gratz, dans la chaire de philologie slave, par M. Krek, l’auteur d’un livre très estimé : Introduction à l’histoire des littératures slaves. »

Je demande à mon étudiant quelles sont les visées du parti national slovène pour l’avenir? Désire-t-il la constitution d’une province séparée ayant pour limites celles de sa langue ? Aspire-t-il à une réunion avec la Croatie ? Espère-t-il la réalisation de la grande idée jougo-slave sous la forme d’une fédération embrassant Slovènes, Croates, Serbes et Bulgares? Accepterait-il le panslavisme ? — « Le panslavisme, répond mon interlocuteur, n’est plus qu’un mot vide de sens, depuis que les Slaves voient qu’ils peuvent conserver leur nationalité au sein de l’empire austro-hongrois. Les aspirations panslavistes, rapportées du fameux congrès ethnographique de Moscou de 1868, se sont complètement évanouies. Oui, sans doute, nous espérons qu’un jour une grande confédération jougo-slave s’étendra de Constantinople à Laybach et de la Save à la mer Egée. C’est là notre idéal, et chaque rameau de notre race doit en préparer la réalisation. Nous verrions, en attendant, avec plaisir, la Slovénie réunie à la Croatie, car la langue parlée