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comme taxe sur la fortune présumée. Il existe un grand nombre de classes et chacun est placé dans l’une d’elles, d’après son revenu. Les ouvriers paient une capitation annuelle qui varie de 2 fr. 40 à 9 fr. 60, d’après leur salaire. L’impôt direct est perçu au profit de l’état par la commune, qui en fait la répartition entre ses habitans. Il a produit, en 1883, environ 12 millions. Les impôts indirects ont donné 2 millions, les domaines 2 millions, les taxes diverses, timbres, enregistrement encore 2 millions. Les communes peuvent percevoir aussi une taxe établie sur la même base que l’impôt direct au profit de l’état ; mais elle ne peut en dépasser le quart dans les villages, le tiers dans les villes, la moitié à Belgrade. Je transcris ici à titre d’information précise une quittance de contribution d’un habitant de Belgrade appartenant à la onzième classe des contribuables, et il y en a quarante : impôt direct pour l’état, 30 fr. 32 ; fond des écoles, 2 fr. 50 ; fond des hôpitaux, 1 fr. 60 ; pour le clergé, 2 fr. ; pour la commune, 13 fr. 48 ; pour les pauvres, 1 fr. 90 ; pour l’armement, 1 franc ; pour les invalides, 2 francs ; pour l’amortissement de la dette publique, 2 francs. Total : 56 fr. 80. — Cela fait un peu l’effet de la note de l’apothicaire du Malade imaginaire ; mais j’y vois ce grand avantage que chacun sait pour quel objet il paie. Il en est de même en Angleterre, où l’on doit payer un certain nombre de pence par livre sterling de revenu pour les écoles, pour les routes, pour l’éclairage, etc. Le contrôle est plus facile, et le contribuable est plus provoqué à l’exercer qu’avec nos versemens en bloc constituant une masse, où nos gouvernans puisent, suivant les prévisions du budget, et où personne ne se retrouve, sauf peut-être MM. Léon Say et Paul Leroy-Beaulieu, tandis que ce rôle de Belgrade est intelligible pour un enfant. Tout ce qui peut brider la fureur des dépenses publiques est excellent ; mais tout n’est-il pas inutile? Certes, en Serbie, il vaudrait mieux introduire un impôt foncier sur la terre, basé sur un cadastre indiquant l’étendue, la qualité et le revenu des parcelles ; seulement il serait à craindre qu’on n’en profitât pour exiger davantage, et c’est toujours l’armée qui consommerait improductivement tout ce qui serait enlevé aux cultivateurs.

— Le roi m’invite à déjeuner pour aller ensuite assister à une fête de village. L’ancien palais princier, le Konak, est une villa à un étage, séparée de la rue par une grille et un jardin qui se prolonge en arrière en un parc bien ombragé. L’ameublement, sans luxe tapageur, rappelle celui d’une habitation de campagne d’un lord anglais. La reine Nathalie est la fille du colonel russe Kechko, boyard de la Bessarabie, et d’une princesse Stourdza, Boumaine ; elle est ainsi cousine du roi Milan. Elle descend de l’antique famille française des Baulx, Balsa en italien et en roumain. Elle est d’une beauté