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nouveau, et ils n’ont réussi qu’à créer cette situation financière où l’on ne pourra échapper à des taxes nouvelles. Ils se sont crus obligés de donner des gages aux passions de secte pour assurer leur règne, et ils ont entrepris cette guerre irritante et puérile aux institutions religieuses, aux prêtres, au budget des cultes. Ils n’ont pas vu que plus ils s’engageaient dans cette voie, plus ils compromettaient la république en la rendant suspecte à tous les esprits modérés. Bien souvent on leur a dit qu’ils se trompaient. Les républicains n’ont rien écouté, et ils ont fini par exclure les modérés de leurs conseils. Ils ont cru pouvoir tout se permettre, comme le disait ces jours derniers M. Floquet. Ils ont, par leur politique, blessé tous les instincts, menacé les intérêts, mis l’incertitude partout, croyant peut-être abuser indéfiniment le pays. Eh bien ! le pays, qui est la victime de leur politique, leur a répondu à sa manière, par son vote, et puisque les modérés de la république ne sont plus écoutés, il est allé droit aux conservateurs les plus caractérisés, les plus résolus.

Est-ce à dire que le pays ou une notable partie du pays, en votant pour des conservateurs qui sont des partisans de toutes les monarchies, ait voulu donner un mandat de révolution et se prononcer contre la république ? Il faut s’entendre et rester autant que possible dans la vérité des choses, si on ne veut pas aller au-devant des plus désastreuses déceptions. Évidemment les électeurs qui ont nommé des candidats de l’opposition conservatrice ont dit d’une certaine manière qu’ils n’avaient pas peur de la monarchie, qu’ils ne s’effrayaient ni du mot ni même probablement de la réalité ; mais il est bien clair aussi qu’ils n’ont dit rien de plus, qu’ils n’avaient nullement la pensée de se prononcer sur une forme de gouvernement et que ce serait se laisser aller à une étrange illusion de voir dans le dernier vote l’intention ou le prélude d’une restauration monarchique. La première raison, c’est qu’il faudrait d’abord savoir de quelle monarchie il s’agit et, ce n’est précisément qu’en évitant cette périlleuse question que les conservateurs ont pu s’entendre, qu’ils peuvent rester unis. Qu’on remarque bien que dans cette masse française qui est allée au scrutin, le 4 octobre, il y a beaucoup d’hommes simples, sincères, désintéressés qui, par lassitude des révolutions, ont accepté la république telle qu’on la leur promettait, libérale, protectrice, et qui, en votant l’autre jour pour les conservateurs, ont cru voter non contre un régime, mais contre ceux qui ont travesti ce régime au gré de leurs passions, contre ceux qui, par leur triste politique, ont compromis tous les intérêts du pays. Il y a quelques semaines, à la veille des élections, un candidat qui est aujourd’hui le député élu de Toulouse, un homme de talent et d’éloquence, M. Jacques Piou, avouait dans un discours qu’il avait été, il y a dix ans, de ceux qui s’étaient ralliés sincèrement aux institutions nouvelles ; il ajoutait, sans embarras, qu’il avait cru que