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mon appel. La constitution de 1852 a été octroyée par mon oncle, Kaméhaméha III, lequel a déclaré en termes exprès qu’il l’octroyait à titre d’essai et se réservait le droit de l’abroger. Ce droit, j’en suis le dépositaire. Aussi longtemps qu’il plaira à Dieu de me maintenir sur ce trône, j’en suis le seul défenseur. Je déclare donc la constitution de 1852 abrogée ; j’en octroierai une nouvelle.

« J’invite mes ministres à conserver leurs portefeuilles ; si toutefois quelques membres ou officiers de mon gouvernement désirent se retirer dans les circonstances actuelles, je suis prêt à accepter leur démission.

« Si quelque jour mon peuple, par la voix de ses députés, exprimait le désir de discuter avec les nobles et moi les termes d’une constitution nouvelle, il me trouverait prêt à faire droit à une si juste requête.

« Les travaux de la convention sont terminés, et la convention est dissoute. »

Les délégués ne croyaient pas à tant d’audace de la part du roi ; ils s’attendaient en effet à une proposition d’ajournement qui, laissant le gouvernement sous le coup d’un échec, leur permettrait de se rendre dans leur districts respectifs pour rendre compte de l’exercice de leur mandat. Aucun d’eux ne se dissimulait qu’il avait été beaucoup plus loin que ne le voulaient ses électeurs. Ils n’ignoraient pas que presque tous les indigènes étaient avec le roi, sympathisaient avec lui et voyaient, en lui, plus encore qu’en son prédécesseur, le véritable représentant de leur race et de leurs aspirations. La tâche des délégués opposans devenait difficile. Ils n’étaient pas prêts, quoi qu’ils en pussent dire, à tenter une résistance à main armée. Très peu les eussent suivis sur ce terrain. Ils en avaient fait la menace : essayer de l’exécuter, c’était courir au-devant d’un échec certain ; s’abstenir était un aveu d’impuissance. Ils se décidèrent à attendre les événemens et à laisser se dessiner l’opinion publique. Elle leur fut hostile, et ils purent s’en apercevoir à leur sortie de la salle des séances. Les membres de l’opposition Jurent accueillis par un profond silence, tandis que de nombreux hurrahs saluaient le roi qui, remontant en voiture, se faisait conduire au palais.

La reine Emma l’y attendait et le félicita chaleureusement. Elle était au courant de ses projets, elle savait la répugnance que lui inspirait la constitution de 1852, elle approuvait soit refus de prêter serment. Maintes fois elle avait assisté aux entretiens intimes de son mari et de son beau-frère, aux sollicitations de ce dernier pour décider Kamohaméha IV à prendre l’initiative d’une révision, aux atermoiemens du roi, peu soucieux d’entreprendre une si lourde